32e dimanche du Temps Ordinaire, année A – Homélie du P. Claude Charvet sj

« Voici l’époux, sortez à sa rencontre » (Mt 25, 1-13)

Pour comprendre la parabole que Jésus invente, il faut souvent partir de la fin : l’essentiel est d’être là au moment où arrive l’Époux, dans la salle des noces, le moment de communion des « invités au repas des noces de l’Agneau » On est au cœur de nos eucharisties dominicales, mensuelles ou quotidiennes. C’est là où nous pouvons nous poser la question : « Suis-je prévoyant ou suis-je insouciant ? »

  1. Les insouciants sont tellement heureux d’avoir été invités qu’ils ont bien loué ou acheté la plus belle tenue pour le mariage avec le code couleur, la découverte des partenaires avec lesquels ils vont s’avancer pour accueillir l’époux, prendre les photos immortalisant le plus beau jour de la vie de l’Époux. C’est très excitant, un peu bling-bling, les réseaux sociaux allaient diffuser au maximum les feux d’artifice de la Fête. Cela fait penser à l’autre parabole « du grain tombé dans les endroits pierreux où il n’y avait pas beaucoup de terre en profondeur : quand le soleil fut monté, il a été brûlé, faute de racines, il a séché. » (Mc 4, 5-6)
  2. Les prévoyants sont allés plus loin dans la façon de préparer le mariage : ils se sont souvenus des liens qu’ils ont avec l’époux : on se connait depuis l’école primaire, on a fait le voyage de classe à Florence quand on était au lycée et on a découvert ensemble la beauté du David de Michel Ange, la grandeur du Dôme de la Cathédrale, le goût incomparable des glaces le soir sur les places : cela a fondé notre amitié. J’ai retrouvé aussi les photos de notre séjour humanitaire d’un mois en Inde avec les amis de faculté : on l’avait beaucoup préparé, on s’était laissé bouleverser par la joie des enfants du village d’intouchables où nous aidions à la construction d’une école. Ils n’avaient rien à nous donner d’autre que leur goût de vivre et de jouer. Le mariage devenait un moment où l’on pouvait par la danse avec les lampes, le montage vidéo, les chansons expliciter les liens de solidarité et de fraternité vécus avec l’Époux. L’amitié permet de partager un moment fort de l’existence et de le célébrer ensemble.

La parabole des invités à des noces permet de prendre conscience de ce qui fonde nos choix essentiels dans la vie. Nous sommes créés les uns et les autres pour « sortir à la rencontre avec l’époux » comme si une alliance d’amour nous liait avec cette personne. Depuis Abraham qui sortit et quitta son pays idôlatre pour une promesse d’avoir une descendance plus nombreuse que les étoiles du ciel et une terre, Dieu a tissé avec son peuple une alliance éternelle. Moïse est sorti du pays de l’esclavage pour former un peuple libéré avec les deux tables de la loi : l’amour de Dieu et l’amour des autres. Il sortait souvent du camp pour aller à la tente de la rencontre avec son Seigneur. Jésus lui-même sort des eaux du Jourdain après son baptême, parcourt la Galilée pour annoncer que cette alliance de Dieu avec l’humanité avait un visage, un corps qui redonnait la vie, un goût du partage du pain et du vin, un cœur doux et humble qui devenait compatissant devant chaque personne rencontrée. Par deux fois dans l’évangile, Jésus se présente comme l’époux qui vient tisser une alliance nouvelle avec l’humanité et invite à la noce. « Les invités à la noce peuvent-ils être en deuil tant que l’époux est avec eux ? » (Mt 9, 15) Jean le baptiste se présente comme « l’ami de l’époux qui se tient là, il l’écoute et la voix de l’époux le comble de joie… Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue… » (Jn 3, 29-30) Aussi, quand dans la nuit, retentit le cri : « Voici l’époux, sortez à sa rencontre ! » c’est bien la venue de Jésus qui est annoncée et vécue… Les insouciants ne sont pas prêts, les prévoyants sont prêts. Ceux qui sont prêts entrent dans la salle des noces avec Jésus et la porte se ferme…

On est bien dans une histoire de noces qui reprend tous nos désirs d’aimer et d’être aimé, pas seulement comme le prince charmant qui rencontre enfin la princesse dont il rêve depuis toujours, mais comme le projet de Dieu de donner au monde son Fils bien-aimé comme un époux qui donne sa vie pour aller jusqu’au bout de l’amour, comme une épouse qui est prévoyante sait reconnaître la voix de l’époux quand il vient la faire sortir pour accomplir son désir le plus profond  être tout à lui : « parce que c’est lui ! »  « J’ai enfin trouvé celui que mon cœur aime, je l’ai saisi, je ne le lâcherai pas » disait la fiancée à son fiancé dans le Cantique des Cantiques.