Dimanche 17 mars 2024 – 5e dimanche de Carême – Homélie du P. Claude Charvet sj

« Si le grain de blé tombé en terre meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 20-33)

Trois images peuvent guider notre prière à travers ces textes.

  1. .Une alliance nouvelle. Le panneau d’entrée et du pilier : un cœur avec un échange de consentement : « Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » Cet échange de consentement, comme celui du sacrement de mariage, lie complètement les deux partenaires. Il ne ligote pas, il libère radicalement les forces d’amour de chacun pour les centrer sur le projet de construire cette alliance au jour le jour. Il y a cette assurance que chacun s’engage en toute liberté, au plus profond de lui-même. Chacun l’inscrit « comme un sceau sur son cœur », en échangeant une alliance, en disant un « je » qui m’engage pour la vie, parce que « c’est lui », parce que « c’est elle », parce que c’est « mon Dieu » et que je suis « son enfant bien-aimé ». Cela va de la confiance inconditionnelle et réciproque du petit enfant pour ses parents jusqu’à la chanson des vieux amants de Jacques Brel. 
    🎶 « Oh, mon amour…
    Mon doux mon tendre mon merveilleux amour
    De l’aube claire jusqu’à la fin du jour
    Je t’aime encore, tu sais, je t’aime »
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    Cette alliance nouvelle est fondée sur l’expérience féconde du pardon : « Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés. »
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    Voilà ce que cette nouvelle alliance construit à la table de la Parole échangée, mais aussi à la table eucharistique avec ces paroles performatrices sur le pain : « Ceci est mon corps livré pour vous » et sur le vin « Ceci est mon sang versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés » C’est gravé sur mon cœur, au plus profond de moi-même. Cette alliance de Dieu avec moi et de moi avec Dieu est indestructible : elle est ma foi, mon espérance, mon amour.
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  2. .Le grain de blé. Depuis deux ans, on trouve cette phrase inscrite dans la crypte de la Basilique-Cathédrale au-dessus des multiples sarcophages qui entourent le tombeau de Saint Denis « Si le grain de blé ne tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » En commentant cette phrase avec Sylvie, une collègue professeur de Biologie, elle m’a fait découvrir que le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, mais il est enfoui dans une terre humide, où il absorbe toute cette humidité qui le transforme : ce qui était sec peut déployer tout ce que le grain contient en lui. « La semence germe et grandit, celui qui l’a semée ne sait comment. D’elle-même, la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Et dès que le blé est mûr, il y met la faucille, puisque le temps de la moisson est arrivé. » (Mc 4, 26-29) Cette expérience de multiples transformations, nous la faisons tellement souvent : passer de la rencontre d’un ovule et d’un spermatozoïde pour devenir un fœtus, passer, après 9 mois de gestation, par la naissance du ventre de sa mère à l’air libre et au premier cri de vie, prendre en 10 -15 ans sa taille d’adulte responsable pour transmettre la vie à notre tour, prendre le risque de devenir parent, construire des projets professionnels qui mettent en œuvre le meilleur de nous-même, participer à la vie associative qui m’engage avec d’autres à transformer notre planète pour le bien de tous, laisser grandir en nous la vie de Dieu et vivre une fraternité confiante en Église… Et puis accepter petit à petit le vieillissement, quitter les responsabilités pour les transmettre à d’autres qui ne feront pas comme nous, accueillir les limites et les dépendances que notre corps réclame… S’en remettre à l’autre, s’en remettre à Dieu, le plus simplement possible, parce que « c’est lui », parce que je suis son enfant. Voilà quelques transformations que nous pouvons relire dans nos vies comme notre manière de « porter du fruit », d’aimer la vie jusqu’au bout. Voilà le chemin que prend Jésus et qu’il m’invite à suivre. Il prend tellement corps avec nous dans ces transformations qu’il veut me présenter avec lui à son Père et il nous dit « Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. » Voilà la belle histoire de ce grain de blé qui porte du fruit en abondance. Laissons-nous transformer.
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  3. .L’angoisse. de la mort et l’expérience de la résurrection : Nous sommes encore invités à entendre ce que Jésus ressent à l’approche de la mort, dans son passage vers son Père : « Maintenant mon âme est bouleversée ». Le combat pour vivre cette dernière transformation sonne comme un coup de tonnerre pour la foule qui écoute et entend deux chemins :
    Soit fuir et le prince de ce monde triomphe : « Père, sauve-moi de cette heure »
    ◉ Soit s’abandonner dans les mains du Père en redisant « Père, que ton nom soit sanctifié. Père, glorifie ton nom ! »
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    Jésus vient nous rassurer au creux de son angoisse : Le prince de ce monde est jeté dehors, le Mal est vaincu définitivement. Jésus nous délivre du Mal. Nous pouvons alors regarder la croix avec reconnaissance et consolation « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » Amen.