Dimanche 20 octobre 2024 – 29e dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du P. Claude Charvet sj

« Le Fils de l’homme est venu donner sa vie en rançon pour la multitude »
Jésus Christ selon saint Marc 10,  42-45

Jacques et Jean sont bien les fils du tonnerre, ils sont audacieux, expriment à voix haute leur volonté d’occuper les meilleures places, se propulsent devant les dix autres apôtres en déclenchant une indignation bien méritée. Jésus sait prendre la parole pour sortir de ce conflit qui gangrène le groupe des douze. Il n’a pas peur du conflit. Il permet à chacun de faire un pas de plus pour le suivre de façon plus personnelle.

  1. Jésus vient d’annoncer pour la troisième fois sa montée à Jérusalem, il le fait en termes de : « Voici que nous montons », mettant ses disciples au cœur de l’évènement. Le déroulement se fera en trois temps : Jésus livré aux grands prêtres et aux scribes, ceux-ci le livreront aux païens qui vont l’humilier « ils se moqueront de lui, ils cracheront sur lui, ils le flagelleront et le tueront » Le fils de l’homme sera bafoué dans sa dignité. Cette annonce se termine par « Après trois jours, il ressuscitera ». C’est sans doute la seule chose que Jacques et Jean retiennent, sans entendre les deux points qui précèdent. « Le Fils de l’homme reviendra dans la gloire de son Père avec les saints anges » (Marc 8, 38) Ils rêvent de partager son pouvoir et sa gloire aux premières places. Jésus accueille avec profondeur leur énorme question et renvoie une question : « Pouvez-vous boire la coupe ? Être baptisé du baptême dans lequel je vais être plongé ? » Jacques et Jean entendent bien ce que Jésus leur dit et peuvent en conscience, en liberté, comme des compagnons habités par l’Esprit de Jésus répondre : « Nous le pouvons » Et Jésus les prend au mot : ce qu’il vit, ils le vivront eux aussi lors de leur propre mort. Ils entrent vraiment dans la suite du Christ Messie et iront jusqu’au bout donner leur vie pour lui. Mais Jésus ne peut pas répondre à leur première question sur le choix des places : ce n’est pas de son ressort. Il est le Fils qui se reçoit du Père. Il s’efface devant son Père, il laisse Dieu être Dieu en plaçant qui il veut auprès de lui. Dans la suite du récit de la Passion, qui sera à sa droite et à sa gauche ? Les deux brigands crucifiés avec lui. Jacques et Jean seront loin, ils auront fui…
  2. L’indignation des dix en entendant ce que Jacques et Jean demandent est à son paroxysme, le conflit éclate entre eux et Jésus commence par le traiter avec ironie en termes politiques : regardez la manière de faire des chefs des nations : ils jouent les chefs et le font sentir, ils dominent et se prennent pour Jupiter ou Zeus, ils font tout pour que l’on soit soumis à leur autorité et ils peuvent avoir une subtile jouissance dans leur façon d’exercer leurs responsabilités. Jésus est catégorique : « Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi ». La seule manière de ne pas faire sentir le pouvoir, c’est de prendre la place du serviteur et même de l’esclave ; il ne s’agit pas de renoncer à exercer l’autorité : celle-ci engendre la vie celle des personnes, des corps, des groupes. Par son autorité, Jésus a libéré des hommes de leurs esprits impurs, il a restauré des corps malades, redonné la vie à la fille de Jaïre, au fils de la veuve de Naïm ou à son ami Lazare, sans aucun retour sur lui-même, en tenant sa place de serviteur. Il invite les douze à faire de même et à choisir de donner la vie. Il fait le choix de Dieu en donnant sa vie aux hommes. En mourant, Jésus verse une rançon aux hommes pour qu’ils découvrent que sa filiation vient du Père : rien n’est trop grand pour rendre présente la surabondance de l’amour du Père, rien ne pourra le séparer de l’amour paternel de son Père… Alors, pas question d’être servi, de se servir à mains pleines. Simplement servir, donner la vie en servant, aimer servir en toute chose.

Saint Ignace l’a bien dit à sa manière : En todo amar y servir. On le chante ?