Samedi 8 mars 2025 – 7e Semaine du Temps Ordinaire – Homélie du P. Remi de Maindreville sj (église Saint-Paul de La Plaine)

« Celui qui n’accueille pas le royaume de Dieu à la manière d’un enfant n’y entrera pas »
(Jésus-Christ selon saint Marc 10, 13-16)

Les lectures que nous venons d’entendre sont celles que l’Église nous propose pour la liturgie du 8 mars. Et nous les avons gardées, tant elles viennent donner du sens et de la force à ce qui nous réunit ici aujourd’hui : ces 50 années de vie religieuse pour ce qui me concerne, ces 50 années d’ordination et de ministère presbytéral pour Claude et Christian. Elles disent l’étonnante fidélité de Dieu à sa Parole, avec toute la joie qu’elle engendre chez ceux qui l’écoutent et la partagent, publicains d’hier et d’aujourd’hui. Dieu ne ment pas, Il tient Parole. Et nous voulons en rendre grâce parce que sa Parole s’accomplit, et, comme Isaïe et Lévi, nous en sommes nous aussi les bénéficiaires et les témoins, comme tous les baptisés, pourvu que notre cœur ait un vrai désir d’accueillir la vie et la liberté qu’elle apporte. Cette vie est celle que Jésus-Christ, la Parole faite chair, vient vivre en nous et donner, aujourd’hui encore, pour la multitude, poursuivant ainsi en Église le chemin de salut et de bonheur qu’il a ouvert.

La première lecture nous rappelle le fondement même d’un vrai chemin spirituel. Tant que nous sommes sous l’emprise de nos dépendances affectives ou mentales, de nos jugements tout faits et de la violence qui en résulte, il est bien difficile d’entendre une voix différente, ou d’envisager une réalité autrement construite que l’image que nous en avons. Dénouer les liens de servitude commence avec la libération de notre propre intériorité soumise à ce que St Ignace de Loyola nommait « des attachements désordonnés ». L’espace du cœur libéré ouvre une faim et une soif nouvelles qui fait entendre celles des autres et d’abord peut-être, de ceux qui manquent de l’essentiel, de justice, de reconnaissance, d’affection, d’estime. La référence de nos comportements, de nos pensées et paroles n’est plus en nous-mêmes mais dans cet autre que j’écoute et qui éveille en moi un désir d’écouter encore, d’apprendre de lui, en un mot, de l’aimer. C’est notre vie affective et relationnelle qui en est changée, transformée, dynamisée. Génialement, Isaïe nous dit un peu plus loin dans la lecture que cette transformation, vécue dans toute sa vérité, est celle de notre relation à Dieu : « Si tu glorifies le sabbat en évitant démarches, affaires et pourparlers, alors tu trouveras tes délices dans le Seigneur ». (tu te délecteras = lire souvent et beaucoup)

Cette expérience spirituelle, à la lumière d’Isaïe et de l’Évangile, c’est celle qui m’est venue à l’esprit en relisant ma vie et en contemplant aussi celle de mes compagnons. Il y en aurait sans doute bien d’autres possibles, mais je crois qu’elle fonde notre manière d’être en mission, et nourrit notre joie, de vivre une présence et une écoute pastorales ou spirituelles. Christian a eu des missions diverses mais toujours liées au Ceras, et centrées sur la vie et la paix sociales, l’expérience interculturelle, sur l’immigration et la nécessité de démonter les fausses informations pour promouvoir un véritable accueil. Dieu sait si c’est important au temps des fake news où la vérité comme éducateur et comme accompagnateur, Claude a aidé par son oreille et son cœur de nombreux jeunes et jeunes adultes à grandir dans leur affectivité et leur foi, dans leur confiance en eux-mêmes.

Au moment où l’âge se fait sentir, nous sommes heureux de rendre grâce à Dieu avec vous pour tout ce qui nous a été donné et partagé, spécialement à Saint-Denis. Parce que, à l’audace de se mettre en route pour suivre Jésus-Christ là où il nous appelle, succède souvent l’inquiétude du « comment faire », et finalement, l’étonnement à chaque fois de voir que tout est donné. Mais ce que je n’ai vu nulle part ailleurs qu’à Saint-Denys de l’Estrée, ce sont ces merveilleux banquets de Noël et de Pâques qui rassemblent tous ceux qui espèrent une joie partagée, comme au temps de Jésus et de Lévi.