« C’est toi-même qui dis que je suis roi »
(Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 18, 33b-37)
Quand je visite la Basilique-Cathédrale avec tous les rois depuis le bon roi Dagobert jusqu’à Louis XVIII, trois dynasties (les mérovingiens, les carolingiens et les capétiens) enterrées sous un même toit, je me dis que l’abbé Suger, au XIIe siècle, devait avoir un pouvoir politique et religieux immense pour mettre ensemble des façons aussi différentes d’être roi. Pourtant, c’est bien sur le vitrail central du chœur, l’arbre de Jessé d’où jaillit David, Salomon, l’ensemble des rois d’Israël que se dresse JÉSUS, roi de l’Univers, fils de Marie, avec les sept dons du Saint Esprit en forme de colombes. C’est bien Jésus, roi de l’univers, que Suger a voulu servir et qu’il propose à notre méditation.
- Le dialogue entre Pilate et Jésus « Es-tu le roi des juifs ? Dis-tu cela de toi-même ? Est-ce que je suis juif, moi ? Qu’as-tu donc fait ? Alors, tu es roi ? » est difficile : Pilate est sur la défensive parce qu’il sent bien que les grands prêtres manipulent le peuple juif et veulent qu’il condamne à mort Jésus. Pilate fait tout pour se défausser, comme Adam, Eve et le serpent : « Ce n’est pas moi, c’est eux ! » L’évangéliste met bien en place Pilate et Jésus, deux pouvoirs bien différents qui s’affrontent.
⦿ L’Empire romain, dont Pilate est le puissant représentant au temps de Jésus, est sans doute l’empire le plus violent depuis Alexandre le Grand. De conquête en conquête, Rome a soumis tout le bassin méditerranéen, n’a pas seulement construit des ponts ou des voies, mais a mis au pas tous les peuples ; la crucifixion est la peine la plus banale pour les opposants, la destruction de Jérusalem en 70 et la mise à feu de Rome pour exterminer les chrétiens en sont aussi les signes. (Ce qui se passe entre Israël et les palestiniens, entre russes et ukrainiens sont aussi de cette nature de pouvoir)…
⦿ Jésus présente sa Royauté sur de toutes autres bases. Pas de légions pour combattre et le défendre, même pas « 12 légions d’anges » comme le laisse entendre l’évangile de Matthieu. « Suis-je un bandit pour que vous soyez venus vous saisir de moi avec des épées et des bâtons ? » (Marc 14, 48) Pilate n’a rien à craindre du pouvoir de Jésus. « Ma royauté n’est pas d’ici » Cette royauté ne s’exprime pas en souveraineté humaine, mais en terme de « témoin de la vérité ». Voilà le message du Roi de l’univers : « Je suis venu pour rendre témoignage à la vérité» (14, 5). Voilà ce sur quoi Jésus fonde sa royauté : il vient témoigner que le mensonge et la violence ne peuvent pervertir la vérité ; que l’humiliation de la couronne d’épines et la flagellation, la dérision du manteau de pourpre dont les soldats le revêtent, disent jusqu’où peut aller le mépris de l’homme : une fausse couronne, un faux manteau d’apparat, un faux hommage « Salut, roi des juifs ! ». Et Pilate de dire « Voici votre roi ! » La foule et les grands prêtres répondent « Crucifie-le ! Nous n’avons de Roi que César ! » Ce sont bien la foule et les grands prêtres qui pervertissent la vérité, renoncent à leur identité de peuple de Dieu, deviennent des renégats.
À l’inverse, Jésus rend témoignage à la vérité en recevant le motif de sa condamnation écrit sur la croix « Jésus de Nazareth, Roi des juifs », en prenant soin de sa mère et en la remettant au disciple qu’il aimait « Femme, voici ton fils » et au disciple « Voici ta mère ». En osant dire qu’il a soif, en recevant du vinaigre ; en remettant au Père son esprit « Tout est accompli. ». Voilà notre Roi ! Il aime les hommes jusqu’au bout et s’en remet à son Père. Il nous invite à lever les yeux vers celui que nous avons transpercé et à aimer comme lui. Notre Roi, c’est le Fils bien aimé du Père ! Amen.
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