Dimanche 9 février 2025 – 5e dimanche du Temps Ordinaire –Homélie du P. Claude Charvet sj

« Laissant tout, ils le suivirent »
(Évangile selon Saint Luc 5, 1-11)

Planter le décor de cette scène d’évangile est nécessaire pour nous laisser rejoindre et nous laisser déplacer.

  1. Une foule, nombreuse, bigarrée, compacte, comme dans le métro ou au Stade de France. Un rivage : la mer de Tibériade, le lac de Génésareth. C’est beau à voir et c’est le lieu de travail d’hommes qui vivent de la pêche et nourrissent les foules. Il y a des barques près du rivage. La foule écoute la Parole de Dieu. Jésus enseigne. Mais comment se faire entendre en plein air, sans micro, sans haut-parleur ? Jésus ne veut pas crier… Il désire enseigner, se faire entendre de chacun, entrer en conversation. Il ose demander de l’aide à Simon pour utiliser sa barque et s’éloigner un peu. Il parlera de là, assis, et sa voix, ricochant sur l’eau, sera audible. C’est ingénieux ! Aujourd’hui on sait si bien sonoriser un stade, faire voir à plusieurs milliards de gens l’ouverture des Jeux Olympiques, utiliser les portables aussi pour que chacun entende et vive l’évènement. Même les sourds peuvent entendre, les malades psychiques et les boiteux aussi… La Bonne nouvelle est annoncée, Jésus peut être entendu et cru.
  2. Voilà que l’apôtre Paul nous transmet ce qu’il a reçu : « Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux écritures, il est apparu à Pierre et à beaucoup d’autres… et même à moi qui ai persécuté l’Église de Dieu… » Jésus aime bien utiliser des histoires familiales (un homme avait deux fils…) des paraboles très simples : le semeur est sorti pour semer…, des manières très concrètes pour répondre à des questions comme « Qui est mon prochain ? » et il invente l’histoire du bon samaritain… Jésus est un orateur de talent et les foules en redemandent… Et moi, est-ce que je désire l’écouter jusqu’au bout de moi- même ?
  3. Mais il fait aller plus loin ceux qui lui sont proches, les pécheurs locaux… « Avance au large et jetez vos filets pour la pêche » On dirait que Luc fait sortir Jésus de son domaine de compétence : Jésus sait bien parler et Pierre ose l’appeler « Maître », reconnaissant la puissance de sa Parole… Mais pour la pêche, l’homme compétent, c’est Pierre et c’est lui qui peut dire que les fatigues d’une nuit de travail peuvent ne rapporter aucun poisson, se plaindre, mettre le doute sur son métier difficile aux résultats aléatoires… Pourtant Pierre va choisir la confiance et a l’audace d’aller sur le terrain où Jésus est compétent : « Sur ta parole, je vais jeter les filets » Au « toute la nuit sans rien prendre » succède le trop-plein de « sur ta parole » : les filets sont sur le point de se rompre, les autres viennent aider Simon, les deux barques s’enfoncent : je contemple les filets pleins, les poissons surabondants, les compagnons qui viennent à la rescousse. Quels excès, quelle surabondance ; on se croirait déjà à Pâques, la pêche miraculeuse à l’aube, le repas préparé sur le rivage…
  4. Pierre alors comprend un peu la fécondité de sa parole et celle de Jésus. En tombant à genoux devant Jésus, il signifie qu’il reconnait l’origine divine de la parole de Jésus et veut rendre immédiatement à Dieu ce qu’il a reçu de Dieu… Qui est-il lui, Simon, pour être digne de se tenir devant quelqu’un qui vient de Dieu : « Éloigne-toi de moi ! » Mais comme au matin de la résurrection, le premier mot de Jésus est bien « Sois sans crainte ! » N’ayez pas peur ! Comme au matin de la résurrection, Jésus va souffler sur eux : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis. »  On n’est pas très loin de ce que Jésus dit à Simon dans la barque « Désormais ce sont des hommes que tu prendras ».

Laissons ce beau récit descendre en nous, reprenons-le dans les jours qui viennent. Accueillons la paix dans laquelle il veut nous installer… Jésus se laisse bien rencontrer. Amen.