« Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre »
(saint Luc 9, 28b-36)
La semaine dernière Jésus, habité par l’Esprit Saint reçu au baptême, était parti seul au désert et il y fut tenté. Aujourd’hui, il monte prier sur la montagne et emmène avec lui Pierre, Jacques et Jean, 3 des 12 apôtres, comme pour les initier à une nouvelle relation avec le Père. Les trois avaient été témoins de la guérison-résurrection de la fille de Jaïre, le chef de la synagogue. Les trois seront aussi témoins de l’agonie de Jésus au jardin de Gethsémani avant d’être trahi-livré par Judas… Comme si ces trois hommes vivaient des moments forts, mystérieux, traversant la mort et recevant la vie. On ne comprend pas tout de suite, mais plus tard çà s’éclaire. Aujourd’hui, ce n’est pas dans le malheur, mais c’est dans le bonheur, la lumière, la joie de la filiation.
Il y a des lieux isolés que l’on aime bien retrouver, une montagne, un bord de mer, le sommet d’une tour où l’on voit tout Paris et tout Saint-Denis, le bord d’un lac dans le parc de la Courneuve… C’est le matin, le bruit de la ville est très éloigné, c’est presque le silence. Il fait beau, le soleil joue déjà dans les arbres, leurs feuilles au printemps se laissent traverser par ses rayons, je laisse mon visage s’imprégner de cette lumière, j’ouvre juste assez les yeux pour regarder comment la lumière pénètre chaque arbre, chaque personne… Je vis cette lumière comme une évidence que je suis aimé, que je suis traversé par un grand amour de Celui que je peux appeler mon Créateur, mon Seigneur et mon Dieu. Je me sens habité par une grande paix intérieure qui me fait dire : « Il est bon d’être ici ! Merci d’être ici ! Merci de voir ta beauté, ta lumière, ta bonté ! »
Me reviens alors à ma mémoire le récit de la transfiguration de Jésus sur la montagne. Ses vêtements d’une blancheur éblouissante, son visage devenant tout autre. Moïse et Élie apparaissant dans la gloire et parlant avec lui de son départ, de son enlèvement, de sa Passion et de sa résurrection, comme si toute l’histoire de l’humanité prenait sens dans ce passage vers le Père. Et puis, comme au baptême dans le Jourdain, la même voix plus proche, plus intime, mais tellement confiante : « Celui-ci est mon fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! » Cette parole du Père rend Jésus tellement fils, fils de Dieu ; il est bien celui que le Père choisit, confirme, oriente totalement vers Jérusalem, vers une mort injuste qui ne brisera pas son lien de filiation choisie, voulue, bafouée, mais indéfectible. En pleine lumière et en pleine nuée, Jésus, Moïse et Élie, Pierre Jacques et Jean écoutent la voix du Père qui se fait entendre. Cette Parole du Père engage Dieu dans la manière dont son fils répond librement au choix de son Père : il sera fils choisi en donnant sa vie pour ses amis, il sera fils en lavant les pieds de ses disciples, il sera fils en donnant à Jean de recueillir chez lui sa mère après sa mort, il sera fils en permettant à Pierre qui l’a renié trois fois de lui dire trois : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime ».
Jésus sera fils encore aujourd’hui quand il me donne de l’écouter dans le silence de mon cœur, dans la rencontre de mes amis qui sont des frères, dans la rencontre de mes parents qui sont les auteurs de ma vie, dans les difficultés pour pardonner à ceux qui me font du mal ; Jésus sera à mes côtés, comme un frère, en m’accompagnant pour porter les choses humiliantes de ma vie, les désespérances devant les morts injustes, les hostilités antireligieuses en plein Ramadan et en plein Carême. Ce matin, la transfiguration de Jésus m’invite vraiment à prendre du temps, à me laisser baigner de sa lumière, à l’écouter quand il me dit comme à mon baptême : « Tu es mon Fils, tu es ma fille, celui que je choisis, celle que je choisis » Je demande l’Esprit Saint pour devenir davantage ce que je suis, en aimant de cet amour transfiguré.