Dimanche 4 février 2024 – 5e dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du P. Claude Charvet sj

La guérison de la belle-mère de Simon Pierre ne compte que deux versets, mais elle peut se comprendre comme un modèle de réciprocité que Jésus instaure dans l’humanité, à l’image de la réciprocité qu’il vit avec son Père dans l’Esprit Saint. En sortant de la synagogue, le lieu le plus officiel le la religion juive, Jésus vient dans l’espace privé, la maison personnelle de Simon et d’André. Les deux apôtres prennent la parole pour mettre Jésus en relation avec la belle-mère de Simon qui est malade… Ils demandent, deviennent un trait d’union avec Jésus, comme s’ils devenaient déjà des ‘pécheurs d’hommes’ ; Jésus entend cette demande si personnelle et se laisse toucher au point d’agir. « Demandez, vous recevrez. » La relation devient une vraie réciprocité.

En guérissant cette femme le jour du sabbat, Jésus fait un geste éminemment symbolique mais il engage une double transgression vis-à-vis des Docteurs de la Loi juive : on ne peut pas guérir ce jour là et la liberté qu’il prend deviendra l’objet d’une telle opposition si dure qu’elle conduira à la décision de le faire mourir. « Le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat » De plus, en prenant la malade par la main, il outrepasse les règles de pureté rituelles qui interdisaient de toucher un malade : C’était devenir impur aux yeux de Dieu. Ici, loin de contracter l’impureté de la malade, Jésus lui communique sa propre santé, manifestant la sollicitude de Dieu à son égard. Bien plus, la vie qu’il lui donne annonce déjà un au-delà de la mort. « Il la fit se lever » évoque la résurrection d’entre les morts, qui est le cœur de la prédication de la première communauté chrétienne.

La belle-mère, elle, se mit à les servir. C’est la deuxième fois que le verbe servir apparaît chez Marc. Il avait été dit des anges qui servaient Jésus quand il était tenté au désert. Nouveau signe du Règne de Dieu qui s’est approché sur la terre des hommes. Désormais, les anges peuvent demeurer au ciel en priant pour les hommes, si une femme joue leur rôle sur la terre ! Tout le sens du service, de la « diaconie » des communautés du premier siècle s’exprime dans le geste simple de cette femme. Elle devient la première figure du « ministère chrétien » A y regarder de près, dans cette maison qui est l’image de la première communauté chrétienne, chacun se met au service des autres à sa manière : les premiers compagnons parlent à Jésus de la malade, Jésus la prend par la main et la fait se lever et elle se met à les servir, retrouvant son rôle de maîtresse de maison le jour du sabbat. La maison devient ainsi le lieu où s’engendrent des relations de service mutuels. Il s’agit de vivre des relations de réciprocité pour construire la communauté où l’on est membres les uns des autres. Et le jour du sabbat est le moment où l’on prend le temps de se poser, de « se reposer en l’honneur su Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. (Ex 20,10. ). Le temps du sabbat, c’est le temps pour vivre cette fraternité où chacun est reconnu pour lui-même et aimé. J’imagine que Jésus et ses disciples dont la belle-mère, prennent le temps jusqu’au coucher du soleil pour se poser, parler, jouer, construire la réciprocité fraternelle.

Ces deux versets révèlent quelque chose de la vie relationnelle de Dieu lui-même. Seule une communauté de services mutuels peut manifester au monde qui est Dieu, Père, Fils et Esprit, trois personnes unies par des liens de réciprocité. Il y a un rapport étroit entre la manière dont les chrétiens vivent entre eux et l’image qu’ils donnent de Dieu. Une communauté qui se polariserait surtout autour d’une seule personne révèle moins la communauté d’amour réciproque qu’est Dieu, Père, Fils et Esprit. Dans notre monde où l’attention à la qualité des relations est si importante dans le couple, la famille, les voisins, les collègues, les amis, il me semble essentiel de faire grandir des communautés où chacun et chacune puisse prendre sa part de responsabilité selon ses talents, ses charismes, dans la confiance mutuelle. Amen.

Amen