Dimanche 10 mars 2024 – 4e dimanche de Carême – Homélie du P. Claude Charvet sj

« Dieu a envoyé son Fils pour que, par lui, le monde soit sauvé » (Jn 3, 14-21)

« Dieu est riche en miséricorde à cause du grand amour dont il nous a aimés » Voilà la Bonne Nouvelle qui nous remplit de joie. Mais cela nous demande un vrai discernement pour relire nos histoires et nos vies avec cette foi en Jésus qui fait traverser tous les drames.

  1. Si nous ne prenons que 3 évènements de ces derniers jours, il y a de quoi totalement désespérer du monde : la provocation à la guerre civile en Haïti après la mise à feu de la prison nationale et la demande de démission du premier ministre… L’attaque israélienne sur des populations civiles gazaouies lors des livraisons de nourriture et de matériels de santé et la difficulté de mettre en place un cessez-le-feu et une libération de tous les otages. Et même le changement d’un élément de notre Constitution française pour y inclure la liberté d’avortement peut être analysé comme un progrès pour les femmes, mais cela pose aussi des questions essentielles autour de notre désir de vivre et de mourir dans notre monde. On pourrait ajouter tant de lieux de guerre en Ukraine ou dans l’Est de l’Afrique, les menaces de guerre nucléaire et la fabrication accélérée des armes, l’impuissance des organismes internationaux, comme l’ONU ou l’OTAN mis en place après la Seconde Guerre mondiale, pour faire entendre leur voix et permettre des médiations vers la paix et la justice… Le livre des Chroniques prend vraiment en compte la capacité des hommes à faire le mal, à profaner les valeurs religieuses et politiques, à mettre en esclavage les opposants aux régimes forts… pendant 70 ans d’exil à Babylone, après les 40 ans de vie au désert après la sortie d’Égypte. Et pourtant, c’est ce monde-là aussi que Dieu aime, c’est avec ces hommes et ces femmes que Dieu fait alliance et veut montrer qu’il est riche en miséricorde, c’est pour eux que les trois personnes divines prennent la décision d’envoyer le Fils devenir l’un de nous, un Fils dont la relation avec son Père ne fera jamais défaut : il aura beau être attaqué par les tentations de la richesse, du pouvoir et les ruses subtiles de Satan, rien ne pourra briser, fissurer, fragiliser la relation avec son Père, tellement il est habité par l’Esprit de filiation qui fait la joie du Père. C’est en s’appuyant sur cette alliance que l’on peut relire nos histoires, mêmes les plus violentes, les plus humiliantes, les plus honteuses. Dieu nous aime tellement. Jésus se fait tellement proche de nous, l’Emmanuel. C’est un émerveillement ; une joie ; le dimanche de la joie.
  2. Celui qui fait la vérité vient à la lumière. Si nous choisissons de lever les yeux pour regarder le serpent de bronze que Moïse a fixé sur son bâton qui les a fait sortir de l’esclavage, si nous choisissons de regarder Jésus élevé de terre sur le bois de la croix, mourant comme un condamné à mort pour de fausses raisons religieuses et politiques, nous pouvons faire un pas de plus dans la foi : il donne sa vie pour que nous ne nous perdions pas, mais pour nous introduire dans sa vie filiale que rien de peut détruire. Il ne vient pas juger le monde et le condamner, il vient sauver le monde et l’introduire dans la lumière de la résurrection. Il sait que nous sommes toujours tentés de choisir les ténèbres et de faire des œuvres mauvaises. Mais il nous propose un chemin à inventer chaque jour : aimer ce que nous avons à faire, l’accomplir en marchant au même pas que Jésus, sous le même joug, pour choisir de faire le bien et refuser de dire du mal. Accueillir cette lumière de Jésus à mes côtés, pour proposer avec délicatesse un peu plus de vérité, un peu plus de liberté, un peu plus de justice. Avoir la joie de sentir en soi la paix, la force de la colombe qui dissipe les peurs. S’émerveiller de la douceur de cette lumière du matin de Pâques et vouloir rendre grâce de l’action surabondante du Père dans le cœur des croyants, de nous quand nous laissons notre baptême prendre toute sa place dans nos vies. Dieu est riche en bonté, riche en beauté, riche en grâce et avec Jésus, il nous partage tout cela.

Nicodème, ce vieux croyant juif, ligoté par la peur, vient voir Jésus la nuit pour avancer vers la lumière, n’en croit pas ses oreilles : ce que Jésus lui dit l’éclaire complètement. Il va pouvoir, au sein du Grand Conseil du Sanhédrin, prendre position pour qu’on ne condamne pas Jésus mais qu’on le reconnaisse comme l’envoyé du Père, le nouveau Cyrus qui fait revenir d’exil et reconstruit le temple de Jérusalem, comme « celui qui vient rendre témoignage à la vérité ». Nicodème sera là encore au moment de la mort de Jésus, demandant à Pilate le corps de Jésus pour le mettre dans un tombeau neuf, dans le jardin de la résurrection. Nicodème est le croyant qui accomplit des œuvres de miséricorde, habité par la foi en Jésus. A nous de nous laisser bouleverser par sa démarche. Amen.