1861 – Quand notre église n’était encore qu’un projet

Voici la première page d’un document qui en fait huit. Il relate la déclaration du maire de Saint-Denis en conseil municipal quant à la possible construction d’une église paroissiale (la nôtre). Il s’agit d’un document signé par M. le Maire, Hilaire Giot. La huitième page du document est la réponse de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc.

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EXPOSÉ

Fait par M. le Maire de Saint-Denis
AU CONSEIL MUNICIPAL
SUR LES RÉSULTATS DE L’ENQUÊTE OUVERTE AU SUJET DU PROJET DE

CONSTRUCTION D’UNE NOUVELLE ÉGLISE

Messieurs,

Le plan que vous avez adopté le 4 mai dernier pour l’emplacement d’une nouvelle église a été soumis à une enquête les 23, 24, 25 du même mois. Soixante et onze personnes ont été entendues ; 36 ont donné leur adhésion pure et simple au projet municipal, 35 l’ont combattu ; il a été en outre déposé une protestation collective couverte d’environ 650 signatures ; enfin le commissaire enquêteur s’est prononcé contre l’emplacement proposé. Nous avons aujourd’hui à examiner les résultats de cette enquête et à voir si les observations qu’elle a suggérées sont de nature à nous faire modifier nos résolutions primitives.

Et d’abord, il est un point que personne n’ait contesté, c’est l’insuffisance du monument affecté en ce moment au culte paroissial. Chacun reconnaît qu’une chapelle qui renferme à peine 500 places est trop exigüe pour les besoins d’une population qui dépasse 22,000 âmes. Mais si on est d’accord pour constater le mal, on diffère sur les moyens à employer pour y remédier. Les opposants au projet municipal présentent deux systèmes différents : les uns voudraient que l’administration se bornât à agrandir la paroisse actuelle, les autres qu’elle cherchât pour sa nouvelle église un autre emplacement. Examinons chacun de ces deux systèmes.

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Paris, le 7 juin 1861.

Monsieur le Maire,

“Vous voulez bien me demander par une lettre en date du 28 mai, s’il serait possible d’agrandir l’église paroissiale actuelle de Saint-Denis et dans quelles dépenses on serait entraîné par cet agrandissement ; quels pourraient en être les avantages comme supplément de surface donné aux fidèles et, si cet agrandissement ne détruirait pas un édifice intéressant du point de vue de l’art.

“La configuration du plan de l’église paroissiale actuelle de Saint-Denis est telle que l’agrandissement ne pourrait en être fait que d’un côté, en supprimant le portail, en l’ouvrant, et en ajoutant une nef plus ou moins longue à l’église actuelle qui dès-lors deviendrait le sanctuaire. Il n’est pas besoin de faire ressortir le peu d’avantages de ce projet, il ajouterait une nef très-étroite à un monument déjà trop resserré, de sorte que, pour une dépense de 180 à 200,000 francs, on n’aurait pas amélioré l’état de choses actuel d’une manière sensible.

“Tout autre projet consistant, par exemple, à couper en deux l’église actuelle et à se sernir d’une des deux moitiés conservée comme d’une abside, pour ajouter à cet hémicycle une longue et large nef, est, au point de vue de la construction, d’une exécution impossible. Le monument actuel est conçu d’un jet, sa construction ne saurait être modifiée, rognée d’un côté ou d’un autre sans déranger toute l’économie de la poussée des voûtes, de sorte que, par le fait, une modification (sauf celle indiquée ci-dessus, qui ne compromet rien), équivaut à le reconstruction de l’édifice.

“Si l’on veut sérieusement avoir une église paroissiale d’une dimension en rapport avec les besoins, il n’y aurait pas lieu de chercher à modifier l’église actuelle qui, d’ailleurs, est un joli monument complet, entier ; or, la ville de Saint-Denis n’est pas riche en monuments, l’église impériale exceptée.

“Je vous rappellerai, Monsieur le Maire, que les esquisses de projets que je vous ai remises pour la construction d’une nouvelle paroisse ont été successivement agrandies sur la demande de M. le Curé et sur l’avis du Conseil municipal. Dans ces projets, nous avons été amenés à passer d’une église très simple avec chœurs sous-latéraux à une église vaste, avec bas-côtés autour du chœur et cinq chapelles dont une grande. Donc puisque après une étude longue, on est arrivé à ce dernier programme, on est assez fondé à croire qu’il est conforme aux besoins de la ville. Aujourd’hui le projet d’agrandir l’église paroissiale actuelle n’est qu’une reprise de l’affaire à son origine.

“Il me semble que la question se réduit à ceci : Veut-on une église suffisante pour la population ? Deux moyens se présentent pour la résoudre : 1° Ou laissez la paroisse actuelle telle qu’elle est et bâtissez une église en rapport avec les besoins nouveaux. La paroisse actuelle aura son emploi comme chapelle succursale ou salle de catéchisme. C’est alors prendre l’affaire au point où l’ont conduite d’assez longues études.

“2° Ou, si l’on ne veut point faire de dépenses, en se contentant d’améliorer provisoirement la situation actuelle. C’est le cas encore de ne point mutiler sans profit un monument, et d’élever une barraque en pans de bois propre à contenir les fidèles.

“Agréez, Monsieur le Maire, l’expression de mes sentiments les plus distingués,

E. VIOLLET-LEDUC.

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