« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, et ton prochain comme toi-même » (Matthieu 22, 34-40)
C’est une controverse importante, une nécessité d’éclairer les fondements éthiques de notre foi chrétienne. En vivant jusqu’au bout le premier commandement et le second qui lui est semblable, Jésus se présente comme l’homme qui construit sa maison sur le roc, qui écoute la Parole de Dieu et la met en pratique ; il accomplit parfaitement la fin du discours sur la Montagne.
La liturgie de ce dimanche propose de voir d’abord comment Dieu s’est lié d’une compassion inconditionnelle avec l’immigré, la veuve, l’orphelin et le pauvre qui n’a qu’un manteau pour s’envelopper la nuit et dormir en paix…En relisant la condition d’esclavage que les descendants de Jacob ont vécu en Égypte, en gardant en mémoire les expériences de nous trouver étrangers, migrants sur une terre loin de nos racines familiales, nous pouvons avoir encore les marques de l’exploitation ou de l’oppression que nous avons vécues. La veuve et l’orphelin représentent, dans une société patriarcale, la misère et la vulnérabilité absolues. L’indigent manque vraiment du nécessaire. Or les commandements et les lois les concernant disent la compassion de Dieu à leur égard : il sait les écouter, il laisse sa colère s’enflammer si nous ne les respectons pas, il sait se montrer proche. Jésus ira plus loin encore en disant qu’il prend sous son joug l’immigré, la veuve, l’orphelin, l’indigent ; ils ne sont plus seuls ; il est l’Emmanuel, « Dieu avec nous ». Telle est la compassion de Dieu à notre égard, au point d’envoyer son Fils pour devenir notre frère.
Mais en répondant à la question du pharisien, posée devant les sadducéens qui ne veulent connaître que les 5 livres de la Loi et pas les prophètes, Jésus a une réponse qui va plus loin que les rabbins de son temps : certes il accueille les 613 commandements de la Thorah avec ses 365 commandements en termes négatifs (Tu ne tueras pas…) un pour chaque jour de l’année et 248 en termes positifs (honore ton père et ta mère) c’est le nombre des composantes du corps humain. Jésus lie entre eux l’amour de Dieu et l’amour du prochain au point de les fondre en un seul que l’évangile de Jean formule : « Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jn 15, 12-13) L’originalité de la réponse de Jésus vient de sa simplification radicale : de même que je suis créé à l’image de Dieu ‘Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance’ disait le 1° chapitre de la Genèse, de même le commandement de l’amour de Dieu est semblable au second commandement sur l’amour du prochain. Au fond : « aimer Dieu et aimer son prochain, c’est tout un ! » Jésus se présente comme celui qui accomplit la Loi et les prophètes. « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui… Si quelqu’un dit : « J’aime Dieu », alors qu’il a de la haine contre son frère, c’est un menteur. En effet, celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, est incapable d’aimer Dieu qu’il ne voit pas. Voici le commandement que nous tenons de lui : « celui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère ». (1 Jn 4,16.21-21)
Alors, il nous reste qu’à mettre en œuvre cet unique commandement en regardant comment Jésus le vit. Il est vraiment le Fils bien aimé de Dieu et fait toute sa joie quand il est saisi de compassion pour la veuve qui enterre son fils unique à Naïm : « Jésus s’approcha et toucha le cercueil : les porteurs s’arrêtent et Jésus dit : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi ». Alors le mort se redressa et se mit à parler. Et Jésus le rendit à sa mère. » (Lc 7, 14-15) Jésus sait se fâcher contre ses disciples qui écartent vivement les enfants : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchés pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains »(Mc 10, 14-16). A Béthanie, la veille de son arrestation, Jésus laisse la femme briser le flacon de parfum d’un grand prix et lui verser sur sa tête. « Laissez-la ! Il est beau le geste qu’elle a fait envers moi. D’avance elle a parfumé mon corps pour mon ensevelissement. Partout où l’évangile sera proclamé dans le monde entier, on racontera, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire. » (Mc 14, 3.8-9). Au fond, il nous suffit de regarder le porche de la Basilique de Saint-Denis et de voir le Christ à la fois assis sur le trône et les bras en croix nous dire : « Venez, les bénis de mon Père, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ». Amen