Dimanche 9 mars 2025 – 1er Dimanche de Carême – Homélie du P. Jean-Christophe Helbecque

« Dans l’Esprit, il fut conduit à travers le désert où il fut tenté »
(Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 4, 1-13)

C’est un scandale ! C’est un véritable scandale !

Voici que le Fils de Dieu, Jésus, est tenté par le Diable… Mais dans quel monde sommes-nous si même Jésus, le Fils de Dieu, est tenté par le Diable. Mais rassurez-vous, frères et sœurs, c’est une tentation. Ce n’est “QUE” une tentation. Le Fils de Dieu est tenté.
Le mot scandale, d’ailleurs, veut dire : “Vous savez, dans la chaussure…” Moi, j’ai des sandales, mais ça arrive de la même manière, quand dans notre chaussure, il y a un petit caillou qui est là, qui nous gêne… et chaque fois qu’on pose le pied, c’est vraiment pas confortable, on n’arrive pas à avancer. Qu’est-ce qu’on fait dans ce cas-là ? On enlève le petit caillou et on continue à marcher paisiblement.

Voilà ce que c’est un scandale et voilà peut-être ce qu’est la tentation.

Le Diable, celui qui divise, qui sépare, qui éloigne, qui détruit… Lui, il voudrait nous faire croire que ce petit caillou est une grosse pierre, un rocher, une montagne infranchissable qui nous tombe dessus, qui nous écrase et qui nous empêche de vivre. Car pourquoi Jésus est-il tenté ? Parce que lui, Dieu, est devenu homme. Et lui, Dieu tout-puissant, il nous a donné à nous, les hommes, d’être libres.
C’est ce qui, dans notre humanité, ressemble à Dieu, ce qui fait que nous sommes à son image et à sa ressemblance. Dieu est tout-puissant et comme lui, nous avons reçu le libre arbitre, la capacité de choisir, de décider, d’orienter notre vie, de faire du bien et de donner la vie… ou pas.
Puisque le Fils de Dieu a choisi, avec son Père et l’Esprit Saint, de devenir homme, lui aussi possède cette liberté. Lui aussi peut être rejoint, atteint, confronté à des épreuves, à des tentations. Et nous l’avons entendu dans la parole de Dieu en ce jour, dans la première lecture (dans le livre du Deutéronome), Moïse fait mémoire avec tout le peuple du chemin parcouru. Les Égyptiens nous ont maltraités, réduits la pauvreté, imposés un dur esclavage. Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères, le cri du désespoir, le cri de la foi, le cri de la prière. Et Dieu entend. Et Dieu n’est pas resté loin. Il est même venu partager notre chemin. Il est venu en envoyant Moïse. Il est venu lui-même, c’est Jésus.

Il affronte le même chemin, la même tentation, juste après son baptême.
Alors qu’aujourd’hui, 225 adultes, 450 collégiens lycéens de notre diocèse et des milliers d’autres dans la France et le monde entier sont appelés pour aller jusqu’au baptême, nous voyons que Jésus est tenté. Nous aussi, il y en a des épreuves, des tentations, celles de la nourriture ou de l’absence de nourriture, celles des conflits, de la violence, les épreuves de la maladie, de l’incompréhension, ce qui nous fait désespérer, toutes les fois où nous nous trouvons devant ce qui nous empêche d’avancer, ce qui nous révolte, ce qui nous éteint.

Mais alors comment fait Jésus ?
Puisque lui est venu comme nous, c’est pour que nous, nous puissions lui ressembler et suivre le même chemin. Donnons-lui la main, avançons avec Jésus. Que fait Jésus ? Jésus ne regarde pas l’obstacle. Vous savez comme lorsque nous sommes à vélo et qu’on regarde le caillou, l’obstacle, ce qui est devant nous et forcément on va tomber dessus et s’écrouler. Non, Jésus ne regarde pas l’obstacle, il le voit, il entend la tentation du diable, les trois tentations du diable qui veut diviser, séparer, faire tomber, détruire. Mais lui, il regarde Dieu son Père.
Jésus exprime et dit sa foi. Jésus, lorsque le diable lui parle, dit, il est écrit, c’est-à-dire Dieu a dit, l’homme ne vit pas seulement de pain. Il est écrit, c’est devant le Seigneur, ton Dieu, que tu adoreras, te prosterneras, que tu rendras un culte. Il est écrit que Dieu te garde, et même, ne mets pas Dieu à l’épreuve, puisque nous sommes à son image et à sa ressemblance celle de Dieu. Nous savons qu’aucun mal, aucune épreuve, et en voyant Jésus, même la mort n’aura jamais, absolument jamais le dernier mot.

Jésus ne nous dit pas qu’il n’y aura pas d’épreuve.
En bas du temple, il y a des caillots. À certains moments de la journée, de notre vie, dans certaines situations, dans la vie de plusieurs d’entre nous et de trop d’hommes et de femmes dans le monde, il n’y a pas de pain, il n’y a pas d’eau, il n’y a pas de nourriture, pas assez pour eux-mêmes, pour leurs enfants, pour nous-mêmes parfois.

Mais Jésus nous dit, ce n’est pas la fin, ce n’est jamais la fin. Quelle est la différence ?
Elle tient peut-être en ceci que, parfois, nous imaginons que la vie, notre liberté, serait comme quelque chose à construire, un peu comme notre église, comme une maison, et ensuite ça ne bouge pas. Vous le savez bien, une maison, ça s’entretient. On y fait des travaux d’amélioration, de décoration, d’agrandissement, de réduction, on l’adapte en fonction des gens que l’on accueille, des enfants qui naissent, des enfants qui partent au loin, des amis que l’on accueille, des grands-parents. Des goûts de décoration, tout simplement. Elle vit. En fait, c’est cela, recevoir de Dieu tout-puissant la liberté.
Ce n’est pas être figé, installé. C’est ce que le diable voudrait nous faire croire, que tout est fini et écrit à l’avance. Non, c’est faux. Le diable n’aura pas le dernier mot. C’est Dieu qui crée et qui donne la vie. Nous le voyons dans les jardins, dans les rues, même dans les rues pavées et bitumées, la vie, la nature, grandit. Devant la basilique cathédrale, dans un petit coin, j’ai vu qu’il y avait une plante qui commençait à arriver avec ses feuilles vertes. Si on la laissait, dans un mois ou trois mois ou deux ans, je suis sûr qu’elle ferait un mètre, un mètre cinquante.

Oui, la vie, c’est ce qui grandit, ce qui trouve sa place, s’adapter, inventer, imaginer, déborder, vivre. C’est cela que Jésus est venu nous donner, sa vie. Il est la vie. Et comment recevoir la vie, vivre de la vie de Dieu, donner la vie ? En reconnaissant que nous ne sommes pas seuls, jamais seuls. Dieu est là. Jésus, fils de Dieu, est son Père. Et l’Esprit Saint qui habite en nous, nous l’avons entendu dans la deuxième lecture, c’est Paul qui nous le fait connaître. Nous pouvons savoir que Dieu est tout puissant, qu’il règne sur le ciel, sur la terre, sur les enfers. Nous connaissons Jésus qui marche à nos côtés, dont nous suivons l’exemple à qui nous essayons de ressembler. Et Paul, l’apôtre, nous dit, “que dit l’Écriture ?” Pose-t-il comme question ? Elle est près de toi, la parole. Elle est dans ta bouche et dans ton cœur. Quand l’épreuve, quand la tentation se présente devant vous et devant moi, il y en a eu hier, il y en aura aujourd’hui et demain encore. Alors ne va pas chercher ailleurs. La parole de Dieu, elle est déjà dans ton cœur. Pas seulement dans ce livre ouvert dont nous avons proclamé les mots. Mais c’est Dieu qui habite en toi, l’Esprit de Dieu. L’apôtre Paul continue : cette parole, c’est le message de la foi que nous proclamons. Quand une épreuve se présente et que le diable voudrait nous faire croire, c’est fini pour toi, tu n’y arriveras pas, c’est trop gros, trop lourd, trop dangereux, impossible. Non, c’est faux.

Je peux dire, Jésus, je sais que tu es là. Esprit Saint, tu habites en moi. Ô Père, j’ai confiance en toi, éclaire-moi. Jésus, toi qui es Seigneur, éclaire mon cœur. Dieu Tout-Puissant, toi qui as tout créé, montre-moi le chemin. Esprit, Esprit Saint, donne-moi la douceur, la paix, la patience, la joie. Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé.
Alors nous comprenons mieux sûrement les mots de ce psaume. Souvent nous écoutons les lectures de la parole de Dieu comme si c’était une déclaration, une proclamation, une loi qui s’impose. La parole de Dieu, elle est vie, elle est prière, elle est rencontre. Quand je me tiens sous l’abri du Très-Haut, quand je repose à l’ombre du Tout-Puissant, je dis au Seigneur : Mon refuge, mon rempart, mon Dieu dont je suis sûr. Je sais Seigneur que même si je ne vois pas à l’avance quel chemin emprunter, Tu me guides, m’éclaires, me conduis comme le peuple conduit par Moïse autrefois… comme les apôtres guidés par Jésus il y a 2000 ans… comme ton église aujourd’hui encore à qui tu viens de donner un nouveau pasteur, notre évêque Étienne, à qui tu donnes de nouveaux membres par centaines et par milliers en ce temps de Carême qui nous conduit à la fête de Pâques.

Ne regardons pas l’âpreté, la difficulté, ce qui nous paraît être immobile et définitif, car Dieu nous a donné sa vie.

Inventons, levons-nous, faisons confiance avec notre cœur, et ensemble en nous donnant la main et en regardant Jésus, en écoutant sa parole et en le priant avec confiance. Oui Seigneur, ta parole, je l’écoute, la loi est délivrance. Écoutons cette parole que Dieu nous dit en ce jour : “Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre, je le défends car il connaît mon nom, il m’appelle, c’est nous qui l’appelons, et moi je lui réponds, dit Dieu, je suis avec toi dans ton épreuve. Seigneur notre Dieu mort et ressuscité, montre-nous le chemin.

Amen