Dimanche 2 mars 2025 – 8e dimanche du Temps Ordinaire –Homélie du P. Claude Charvet sj

« Ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur »
(Jésus-Christ selon saint Luc 6, 39-45)

L’évangéliste Luc prend du temps pour montrer comment Jésus veut former ses disciples, ceux qu’il appelle et le suivent. Il marche avec eux, donne un enseignement très précis avec des paraboles, il reprend telle ou telle attitude qui ne convient pas. Laissons-nous enseigner pour grandir à sa suite comme disciple de Jésus.

1/ Les jeux paralympiques d’août dernier au Stade-de-France nous ont montré des athlètes malvoyants avec des guides très expérimentés dans les virages pour sprints ou pour les obstacles dans les courses de fond. L’athlète et le guide ont un lien qui les attache l’un à l’autre, doivent être à l’écoute avec la respiration, la voix, le toucher : ils comptent l’un sur l’autre et sont unis dans le même désir de l’emporter. Jamais l’un sans l’autre. Un rien peut désunir des mois de travail acharné… Quelle beauté de voir une telle harmonie entre voyants et mal-voyants… Quel bonheur de les entendre parler de leurs entrainements, de leur progression, de leur désir d’aller à Los Angeles pour affronter de nouveaux défis… Ils peuvent devenir nos maîtres pour compter les uns sur les autres.

2/ La paille et la poutre : Devenir disciple de Jésus passe d’abord par une réforme personnelle, un changement de regard, une remise en cause. Refuser ce premier pas serait se mentir et devenir hypocrite. Nous pouvons être très critiques sur les comportements des autres (voir leur paille) et ne jamais commencer par nous remettre en cause (voir sa poutre.) La bonne nouvelle, selon Jésus, est que tout disciple est capable d’enlever la poutre qui empêche son œil de voir clair. Je peux vraiment demander à Jésus (ou à un frère attentionné) de m’apprendre à voir ce que je ne vois pas, à ne pas m’obnubiler sur la paille de mon voisin et à voir clair sur la poutre qui m’empêche de voir…

3/ Chaque arbre se reconnait à son fruit. Jésus nous invite à bien regarder ce qui est évident : arbre bon, pas de fruit pourri ; arbre pourri, pas de bon fruit ; pas de figues sur les épines, pas de raisin sur des ronces… Nous avons à regarder avec attention les produits que nous désirons consommer, à apprendre la Sagesse qui vient de la Création. Nous pouvons demander de reconnaître chaque arbre à ses fruits en sa saison ; nous pouvons acheter en priorité ce que produisent les agriculteurs les plus proches et avoir des liens avec eux… nous pouvons apprendre d’eux comment ils cultivent, prennent soin de leurs arbres, de leurs fruits, de leur conservation, de leur transformation… Citadins et ruraux ont tant de choses à partager… à s’entraider…

4/ Cœur bon, cœur mauvais. Jésus poursuit son enseignement en appliquant l’exemple des arbres et des fruits à l’être humain. Dans notre vie, les fruits portés témoignent de notre cœur, de ce qui est caché en lui mais qui est manifesté par ses paroles, ses actions, ses gestes, ses omissions… Je peux tirer du bien du trésor de mon cœur qui est bon… Mais des histoires comme celles de l’abbé Pierre ou de Jean Vanier montrent qu’il n’est pas évident de voir ce qui habite aussi une partie du cœur de l’homme. Jésus va droit au cœur et veut nous apprendre l’art du discernement pour choisir de dire ce qui est bien et refuser ce qui est mal.

5/ Débordement : « ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur ». Avec les multiplications des pains et les 12 corbeilles de reste, avec la pêche miraculeuse et les 153 poissons qui ne font pas rompre le filet, avec les longs discours dans la plaine ou sur la montagne, Jésus montre qu’il n’est pas avare dans le don, mais il nous fait passer sans cesse de la faim au rassasiement, de la soif à l’eau vive, de la peur à la joie : « C’est une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante qui sera versée dans le pan de votre vêtement. » Amen.