Éloi Leclerc, dans Le soleil se lève sur Assise, m’a amené à cette question : pourquoi Jorge Mario Bergoglio a-t-il choisi le nom de François ?
Grâce à la beauté et à la profondeur de ce texte — du drame de l’incertitude à l’élan de l’espérance — j’ai pu écrire la poésie suivante.

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.Poème. Pourquoi le pape François a-t-il choisi le nom de François pour son pontificat ? (de Peterson Alcius sj)
Pourquoi ce nom, doux et frêle,
Porté par un pauvre aux pieds nus ?
Pourquoi ce souffle ancien, éternel,
Renaît-il aujourd’hui dans un monde perdu ?
Parce qu’un homme a vu la lumière
Se lever sur Assise, après l’ombre et la cendre,
Et qu’au milieu des ruines et de la guerre,
Il a appris que la vie peut encore se tendre.
Il s’appelait Éloi, fils de douleur,
Frère du silence, témoin des camps,
Il a vu dans l’horreur une flamme, une lueur :
La fraternité est plus forte que le sang.
Il a vu François parler au vent
Appeler le loup, embrasser la plaie,
Louer Dieu même en sanglotant,
Et danser sur le fil de la paix.
Alors un jour, un cardinal venu du sud,
Un homme de foules, de gestes nus,
A choisi ce nom, contre vents et certitudes,
Pour redire au monde que l’amour est revenu.
Non, pas un nom d’empire ni de grandeur,
Mais celui d’un frère, humble et joyeux,
Qui fait parler les fleurs, guérit les cœurs
Et choisit la croix pour marcher avec Dieu.
Dans ce nom, il y a un refus du pouvoir,
Un oui au service, à la Terre, aux sans-voix,
Une foi nue, sans faste ni savoir,
Juste une tendresse, offerte, sans loi.
Bergoglio a vu que le monde vacille,
Et qu’il fallait un feu qui ne consume pas,
Une lumière d’huile dans une lampe fragile,
Un souffle ancien qui ranime nos pas.
Il a choisi François pour ouvrir les bras,
À la Création blessée, aux pauvres las.
Il a vu en ce nom la prière qui rassemble :
Que l’Église ne règne plus, mais qu’elle tremble.
Tremble d’aimer, de perdre, de pardonner,
D’oser le silence, de ne rien posséder,
Tremble d’oser encore l’Évangile pur,
Celui des cieux qui s’invitent chez les murs.
Voilà pourquoi ce nom, chargé d’aube,
Résonne comme une cloche aux heures sombres.
Parce que le soleil s’est levé sur Assise,
Et que Rome, à son tour, s’est remise à genoux.
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Peterson Alcius sj

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Quelques petites précisions
1. « Pourquoi ce nom, doux et frêle », cela fait référence au nom de “François”
Il est qualifié de “doux et frêle” parce qu’il évoque l’humilité, la simplicité, la pauvreté volontaire – tout ce que saint François d’Assise représente. Ce n’est pas un nom de roi ou de conquérant, mais un nom porté par un homme fragile aux yeux du monde, mais immense par la foi.
2. « Celui des cieux qui s’invitent chez les murs », c’est une image poétique
“Les cieux” symbolisent Dieu, le Royaume, la transcendance, l’amour divin.
“Les murs” symbolisent les lieux fermés, les structures humaines rigides, nos défenses intérieures.
Ainsi, “les cieux qui s’invitent chez les murs” signifie que Dieu, à travers François, vient habiter ce qui était fermé, ce qui était figé, ce qui avait peut-être perdu la chaleur de l’Évangile vivant.
3. « Voilà pourquoi ce nom, chargé d’aube, Résonne comme une cloche aux heures sombres »
Ces deux vers veulent dire que le nom François évoque un renouveau, une nouvelle lumière (comme l’aube), une espérance qui commence, douce mais puissante. Il est « chargé d’aube » parce qu’il porte en lui un recommencement — à la manière d’un lever de soleil après une longue nuit.
La cloche aux heures sombres évoque les moments calmes, profonds, parfois même graves ou solennels, comme les temps de crise. Elle symbolise une parole simple mais essentielle, qui vient rappeler l’essentiel dans un monde agité. Autrement dit : le nom François est une lumière d’espérance dans un monde qui doute.
4. « Parce que le soleil s’est levé sur Assise, Et que Rome, à son tour, s’est remise à genoux »
“Le soleil s’est levé sur Assise” est une allusion directe au titre du livre d’Éloi Leclerc (Le soleil se lève sur Assise), qui décrit comment la figure de saint François d’Assise a apporté un renouveau spirituel et humain après l’expérience de la guerre et de la souffrance.
“Rome s’est remise à genoux” : ici, Rome symbolise le Vatican, l’Église catholique institutionnelle. Dire qu’elle « s’est remise à genoux », c’est dire qu’elle s’est inclinée dans l’humilité, dans la prière, dans le service — à l’image de saint François. C’est ce que le pape François incarne : un retour à l’humilité évangélique, à la simplicité, à la fraternité, au dialogue, à la réconciliation.
5. « Renaît-il aujourd’hui dans un monde perdu ?» est une interrogation poétique qui soulève une espérance profonde et une inquiétude réelle
“Renaît-il aujourd’hui” : Il s’agit de la renaissance de l’esprit de saint François d’Assise — ou de ce qu’il incarne : La paix, L’humilité, L’amour des pauvres, Le respect de la nature, La fraternité universelle.
Cette renaissance pourrait être personnifiée dans le choix du pape François, dans des gestes simples et prophétiques, ou dans toute personne, croyante ou non, qui agit pour la paix, la réconciliation, la justice et la création.
“dans un monde perdu” : Cette expression décrit le désarroi actuel du monde : guerres, violences, pauvreté extrême, crise écologique, individualisme, migration… Un monde qui semble avoir perdu ses repères : spirituels, éthiques, humains.
Ce vers pose une question d’espérance : est-ce que l’esprit de saint François — fait de lumière, de simplicité et de miséricorde — peut renaître aujourd’hui, malgré la noirceur et les dérives de notre époque ?
Il n’affirme pas, mais ouvre un espace de réflexion et d’espérance, un peu comme une prière, un appel à la renaissance du bien dans le chaos.
6. « Une foi nue, sans faste ni savoir »
“Foi nue” : la foi nue signifie une foi dépouillée, essentielle, sans ornement. Elle ne s’appuie ni sur des signes extérieurs, ni sur une assurance intellectuelle ou institutionnelle.
“Sans faste” : le faste évoque tout ce qui est luxueux, pompeux, ou spectaculaire. Une foi sans faste, c’est donc une foi modeste, humble, pauvre à la manière de François d’Assise. C’est le refus d’une religion éclatante de prestige pour une relation intérieure, vraie, simple avec Dieu et avec le prochain. Elle ne cherche ni les applaudissements, ni les apparences.
“Sans savoir” : ici, savoir ne signifie pas qu’il ne faut rien connaître, mais pointe plutôt l’abandon d’une foi qui se repose uniquement sur les certitudes intellectuelles ou théologiques. C’est une foi qui ne s’arroge pas le droit de comprendre Dieu, mais qui s’en remet à Lui même sans comprendre. C’est la foi du cœur, pas celle des formules. Une foi qui vit plus qu’elle ne démontre.
Peterson Alcius sj
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Note par Raymonde – L’auteur de cet article, Peterson Alcius est un jésuite, membre de la communauté Alberto Hurtado (centre-ville Basilique). C’est déjà sa deuxième année de présence dans notre paroisse. Peterson est en charge de la coordination du groupe de l’animation-chants.