Jeudi 17 avril 2025 – Jeudi Saint – Homélie du P. Claude Charvet sj

Alors que les évangélistes Matthieu, Marc et Luc racontent, à la suite de Saint Paul, le dernier repas pascal de Jésus avec le pain et le vin, Jean l’évangéliste choisit de développer le récit du lavement des pieds : un geste difficile à accueillir, un geste difficile à comprendre si on ne le pratique pas.

  1. L’intention de Jésus : montrer comment il veut aimer jusqu’au bout ceux avec qui il a choisi de vivre, c’est-à-dire nous. Il est au centre de tout : il est venu du Père et il retourne au Père ; le Père a tout remis entre ses mains et il remet tout ce qu’il a vécu au Père. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Un geste librement posé, un geste de transmission, un testament qui l’engage complètement.
  2. La manière de faire. Une mise en scène très précise comme dans un film, un rituel qui avait déjà bouleversé Jésus chez Simon le pharisien où une femme était venue lui laver les pieds avec du parfum et les avait essuyés avec ses cheveux. Marie, la sœur de Lazare venait de faire le même geste à Béthanie avec un parfum de grand prix « pour préparer mon ensevelissement » (Mt 26, 12). Jésus ritualise le même geste : il se lève de table, dépose son vêtement, prend un linge, verse de l’eau dans un bassin, lave les pieds de chacun de ses invités, essuie les pieds avec le linge. Refait le geste 12 fois. Pierre refuse de voir le Messie, le Fils de Dieu, le Maître, le Seigneur, lui laver les pieds, tellement c’est un geste de serviteur, d’esclave, de gens de rien… « Tu ne me laveras pas les pieds, non, jamais ». Il y a des gestes, des mots, des silences, des regards que l’on ne comprend que plus tard, tellement ils sont puissants, tellement ils introduisent un ordre nouveau, un nouveau mode de présence, une nouvelle manière de vivre… C’est un long travail de la foi, un travail de relecture où l’Esprit Saint est à l’œuvre pour nous faire découvrir une cohérence, un signe, la manière de faire de Jésus.
  3. Un exemple. Quand Jésus se remet à table, il relit le sens du geste qu’il vient d’inaugurer : il s’agit pour nous de témoigner d’un Dieu amour qui se met aux pieds des hommes. Si le Maître, le Seigneur a pris cette position de laver les pieds à ses disciples, nous ses disciples, nous avons à laisser l’Esprit de Jésus façonner en nous « un corps de laveur de pieds » pour témoigner de ce que c’est qu’aimer jusqu’au bout. Mettre sa vie sous le signe du service, inventer chaque jour cette posture d’aimer jusqu’au bout, reconnaître Jésus présent au milieu de nous quand on voit quelqu’un servir en aimant : donner le sein à son enfant au milieu de la nuit, servir ses parents âgés et mettre en place des aidants quand ils deviennent dépendants, diriger un service en aimant rencontrer chacun, oser demander de l’aide quand on ne peut plus servir…

Ce soir, je vous invite à vivre ce double geste : accepter que quelqu’un me lave les pieds, avec ce que cela demande de pudeur de se mettre pied nu, de respect de celui qui se met à genoux devant moi, de frisson de peau quand l’eau est versée, de douceur du toucher pour sécher mes pieds avec la serviette, du regard échangé pour dire merci et entendre que je suis invité à faire de même à mon voisin. A mon tour alors je vais pouvoir laver les pieds à mon voisin en l’appelant par son prénom, en en prenant soin, en vivant intérieurement ce que Jésus a fait à ses disciples

Seigneur, ce n’est pas une B.A., une bonne action de scout ou de guide que tu nous demandes de vivre chaque jour, c’est de témoigner comment aimer jusqu’au bout, comment toi tu nous aimes jusqu’au bout de l’amour.