NB: below in American English
“Dieu par-delà la lumière, Dieu présence vivante sur les gisants” ou “Lorsque la lumière éveille les gisants” serait ma manière toute personnelle de titrer cette exposition.
Jeudi dernier, 22 mai 2025, avec mon compagnon, nous sommes allés au vernissage de cette exposition. J’avais entendu parler de cette dame qui vient, dans la basilique, dessiner/peindre les gisants depuis presqu’une quarantaine d’années. J’en avais entendu parler mais je ne l’avais jamais vue.
Flashback
il y a quelques jours, je reçois une invitation via un mail envoyé à un grand nombre de personnes par Claudine, secrétaire de notre Unité pastorale. Je sais qu’une exposition d’œuvres de “La dame de la lumière sur les gisants” est dans les tuyaux. Je suis immédiatement saisie par la richesse des couleurs de l’image qui accompagne l’annonce du vernissage. Je vais y aller… seule ou accompagnée, cela m’importe peu ; je sais juste que je vais y aller.
Assise dans la nef, je profite de ce moment de présentation. D’abord un mot d’accueil du père Jean-Christophe Helbecque, recteur du lieu, puis une magnifique présentation de l’artiste par monsieur Serge Santos, administrateur de la Basilique pour les monuments nationaux. Et finalement, c’est au tour de celle qui nous réunit ce soir de prendre la parole. Elle nous présente son œuvre de quarante ans. Comment ce projet est né, comment elle s’est sentie elle-même accueillie avec son projet, comment elle a été soutenue par certains. Les noms fusent, les remerciements aussi.
Après les présentations, nous descendons tous dans la crypte, lieu d’exposition et de protection de ses œuvres. M’armant d’un courage tout relatif, je salue madame Gael Mooney et lui dis que je souhaite pouvoir diffuser sur mon blog personnel son message de présentation : celui qui vient d’être lu dans la nef.
Le voici donc ici, pour vous, directement de sa part :
Bonsoir et bienvenue,
C’est un plaisir de vous accueillir pour le vernissage de cette exposition de mes œuvres.
Depuis le début de ce projet, j’ai rêvé d’exposer mes peintures ici, dans la Basilique de Saint-Denis, pour voir mes œuvres dans le contexte de cette architecture magistrale et dans la lumière de la cathédrale. Cette exposition pour moi marque non seulement l’aboutissement de plus de trente années de travail artistique au sein de la cathédrale mais la réalisation de ce rêve.
J’imagine que beaucoup d’entre vous se demandent pourquoi une artiste choisit-elle de peindre le même motif sur une période de plus que 30 ans.
Donc j’essaierai de répondre à cette question. La lumière gothique et les gisants médiévaux – les deux thèmes principaux de mon travail – sont tous les deux des sujets insaisissables.
Mon projet de peinture a été inspiré suite à la découverte des photographies de Pierre Jahan publiées dans le livre “Les gisants” de Jean-François Noël que j’ai vu quand j’étais encore a New York. J’ai été impressionnée par la beauté de ses images et le paradoxe qu’ils me semblent incarner. Leur visages doux et leurs attitudes paisibles m’ont transportée loin de l’angoisse et de la souffrance de notre monde divisé vers le Paradis. J’ai été tellement bouleversée par ces photographies des gisants que je suis venue à la basilique avec déjà l’idée de les peindre, sans jamais les avoir vus en vrai. Pierre Jahan est mort en 2003. J’ai le plaisir et l’honneur d’accueillir ce soir M. Olivier Lacroix, petit-fils de Pierre Jahan et agent des photographies de son grand-père. Merci beaucoup d’être parmi nous ce soir.
Monsieur Lacroix, veuillez vous lever afin de permettre à ceux qui pourraient avoir des questions sur l’œuvre de votre grand-père de vous reconnaître. Un exemplaire du livre « Les Gisants » est exposé dans l’exposition.
Le chevet gothique de l’abbé Suger inauguré en 1144 et qui a donné naissance à la période gothique, a été inspiré par une vision céleste — celui de la Bible mais aussi d’un moine syrien qui s’appelle Pseudo-Denys l’Aréopagite et qui a vécu au 6e siècle. Il a écrit des textes importants sur la métaphysique de la lumière et de la beauté divine.
Selon ces textes, la lumière est un signe d’illumination divine.
Par un processus connu sous le nom d’anagogie, la lumière nous élève du royaume terrestre au royaume céleste, du monde matériel au monde immatériel. Ce qui m’étonne encore aujourd’hui, après avoir peint ici pendant plus de 30 ans, c’est à quel point cette philosophie est une réalité présente, que je suis capable de voir avec mes propres yeux et d’expérimenter chaque jour ici dans la cathédrale. C’est cette réalité que je voudrais capter dans mes toiles.
Les gisants, bien qu’horizontaux, représentent en effet ce même mouvement ascendant. Comme des représentations de l’âme ressuscitée, ils nous invitent à contempler le monde d’en haut, d’où nous pouvons transcender les apparences illusoires et fausses de la vie pour discerner la vérité cachée de notre existence humaine.
Vus dans la lumière et les couleurs reflétées par les vitraux, les gisants semblent en effet être illuminés de l’intérieur et prendre une nouvelle vie ! Les gisants sont pour moi les véritables modèles pour cette vision exaltante à partir de laquelle nous pouvons atteindre l’état de grâce qui nous permet de voir le monde à travers les yeux de Dieu Créateur.
L’exposition est organisée à la fois chronologiquement et thématiquement. Il s’agit d’une rétrospective qui suit ma progression comme artiste ici depuis mes premières œuvres réalisées en 1993 jusqu’à aujourd’hui. Les thèmes abordés s’articulent autour de l’évolution de ma compréhension de ces deux thèmes, les gisants et la lumière, au cours des années.
Je n’ai pas d’objectif ou de but précis. J’approche mon œuvre comme un processus de dévoilement et d’apprentissage. J’ai l’impression que les gisants et la lumière tous les deux ont quelques choses d’important à nous dire, à nous apprendre. Mon seul objectif c’est de progresser dans ma quête auprès de cet espace sacré et révélateur. Si j’ai un objectif précis en tête, ce serait, autant qu’il est humainement possible, de voir le monde à travers les yeux des gisants, qui sont pour moi les modèles de cette vision illuminée et purifiée. Objectif, certes qui m’échappe complètement !
J’imagine que maintenant vous comprenez mieux pourquoi je reviens sans cesse ici. Quoi de plus exaltant et beau que d’apercevoir le monde d’en haut et d’être transformé par cette expérience ?
Madame Gael Mooney,
Ce que ne dit pas ce texte, c’est la finesse de ses choix artistiques. Lorsque j’ai vu ses œuvres, j’ai rapidement été frappée par cet élément exceptionnel : ses peintures et ses dessins rendent véritablement hommage… Ils rendent visibles l’invisible : le côté impalpable de la lumière devient tangible ! Une transcendance rendue visible à nos yeux. … Et comme cela ne se voit pas sur les photos, je vous invite vivement à venir le découvrir par vous-mêmes. Ne le manquez pas, l’expo est là jusqu’au 21 septembre 2025.
PS : Et pour finir, ce texte est tronqué (je l’ai reçu ainsi) des remerciements que l’artiste a adressés à ceux, présents, passés ou disparus qui l’ont portée par leur soutien ou leur aide concrète dans son projet. De ceux-ci je retiens spécialement le nom de monsieur Serge Santos (le sien et celui de toute sa famille aussi) et le soutien de ce premier prêtre qui, il y a plus de 30 ans, a offert à l’artiste la possibilité de venir à sa guise dans la basilique.
Belle découverte et bonne visite à vous !
Exhibition “Les gisants en Lumière” (Recumbent Figures in Light) at the Basilica from May 23 to September 21, 2025
“God beyond the light, God’s living presence on the recumbent figures” or ‘When light awakens the recumbent figures’ would be my own personal way of titling this exhibition.
Last Thursday, May 22, 2025, my partner and I went to the opening of this exhibition. I had heard about this lady who has been coming to the basilica to draw/paint the recumbent statues for almost forty years. I had heard about her but had never seen her.
Flashback
A few days ago, I received an invitation via email sent to a large number of people by Claudine, secretary of our pastoral unit. I knew that an exhibition of works by “The Lady of Light on the Recumbent Statues” was in the works. I was immediately struck by the richness of the colors in the image accompanying the announcement of the opening. I’m going to go… alone or accompanied, it doesn’t matter to me; I just know that I’m going to go.
Sitting in the nave, I enjoy the presentation. First, a word of welcome from Father Jean-Christophe Helbecque, rector of the place, then a magnificent presentation of the artist by Mr. Serge Santos, administrator of the Basilica for national monuments. And finally, it is the turn of the woman who has brought us together this evening to speak. She presents her forty years of work. How this project came about, how she herself felt welcomed with her project, how she was supported by certain people. Names fly, as do thanks.
After the presentations, we all descend into the crypt, where her works are exhibited and protected. Summoning up my relative courage, I greet Ms. Gael Mooney and tell her that I would like to post her introductory message on my personal blog: the one that has just been read in the nave.
So here it is, for you, directly from her:
Good evening and welcome,
It’s a pleasure to welcome you to the opening of this exhibition of my work.
Since the beginning of this project, I’ve dreamed of exhibiting my paintings here, in the Basilica of Saint-Denis, to see my work in the context of this masterful architecture and in the light of the cathedral. For me, this exhibition marks not only the culmination of over thirty years of artistic work within the cathedral, but the realization of that dream.
I imagine many of you are wondering why an artist chooses to paint the same motif over a period of more than 30 years.
So I’ll try to answer that question. Gothic light and medieval recumbents – the two main themes of my work – are both elusive subjects.
My painting project was inspired by the discovery of Pierre Jahan’s photographs published in Jean-François Noël’s book “Les gisants”, which I saw when I was still in New York. I was impressed by the beauty of his images and the paradox they seem to embody. Their gentle faces and peaceful attitudes transported me away from the anguish and suffering of our divided world towards Paradise. I was so moved by these photographs of the recumbent figures that I came to the basilica with the idea of painting them, without ever having seen them in person. Pierre Jahan died in 2003. It is my pleasure and honor this evening to welcome Mr. Olivier Lacroix, Pierre Jahan’s grandson and agent for his grandfather’s photographs. Thank you very much for joining us this evening.
Mr. Lacroix, please stand up to allow those who may have questions about your grandfather’s work to recognize you. A copy of the book “Les Gisants” is on display in the exhibition.
Abbé Suger’s Gothic chevet, inaugurated in 1144 and giving birth to the Gothic period, was inspired by a celestial vision – that of the Bible, but also of a Syrian monk called Pseudo-Denys the Areopagite, who lived in the 6th century. He wrote important texts on the metaphysics of light and divine beauty.
According to these texts, light is a sign of divine illumination.
Through a process known as anagogy, light elevates us from the earthly realm to the celestial realm, from the material world to the immaterial. What amazes me to this day, after painting here for over 30 years, is the extent to which this philosophy is a present reality, which I am able to see with my own eyes and experience every day here in the cathedral. It’s this reality that I’d like to capture in my paintings.
The recumbent figures, though horizontal, represent this same upward movement. Like representations of the resurrected soul, they invite us to contemplate the world above, from which we can transcend the illusory and false appearances of life to discern the hidden truth of our human existence.
Seen in the light and colors reflected by the stained glass windows, the recumbent figures seem to be illuminated from within, taking on new life! For me, the recumbent figures are the true models for that exhilarating vision from which we can attain the state of grace that enables us to see the world through the eyes of God the Creator.
The exhibition is organized both chronologically and thematically. It is a retrospective that follows my progression as an artist here from my first works in 1993 to the present day. The themes explored revolve around the evolution of my understanding of these two themes, recumbents and light, over the years.
I have no specific objective or goal. I approach my work as a process of unveiling and learning. I feel that both the recumbent figures and the light have something important to tell us, to teach us. My only objective is to progress in my quest for this sacred and revealing space. If I had a precise objective in mind, it would be, as far as humanly possible, to see the world through the eyes of the recumbents, who are for me the models of this illuminated and purified vision. A goal, admittedly, that completely eludes me!
I guess now you understand why I keep coming back here. What could be more exhilarating and beautiful than seeing the world from above and being transformed by the experience?
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Madame Gael Mooney,
What this text doesn’t mention is the finesse of his artistic choices. When I saw his work, I was quickly struck by this exceptional element: his paintings and drawings truly pay homage… They make the invisible visible: the impalpable side of light becomes tangible! A transcendence made visible to our eyes. … And since you can’t see it in the photos, I urge you to come and see for yourself. Don’t miss it, the exhibition is on until September 21, 2025.
PS: And finally, this text is truncated (this is how I received it) of the artist’s thanks to all those, present, past or departed, who have supported or helped her in her project. Of these, I particularly remember the name of Mr. Serge Santos (his own and that of his entire family) and the support of the first priest who, over 30 years ago, offered the artist the opportunity to visit the basilica as she wished.