4e dimanche de Pâques – Le Bon Pasteur : une voix reconnaissable nous conduit (par Peterson Alcius sj)

En ce dimanche du Bon Pasteur, l’Église universelle proclame sa foi en Celui qui marche avec son peuple, même à travers les incertitudes de l’histoire. Mais surtout la certitude que « L’Agneau sera leur pasteur, pour les conduire aux sources des eaux de la vie » (Ap 7,17). Cette parole retentit aujourd’hui avec une acuité particulière, dans un monde fracturé, blessé : guerres, violences, effondrement écologique, insécurité sociale, exil, isolement…

Rendons grâce à Dieu que l’Église continue de marcher, de poursuivre avec foi et espérance sa mission. Elle accueille un nouveau pasteur, le pape Léon XIV, au lendemain d’un pontificat profondément évangélique et prophétique : celui du pape François. Avec le pape Léon, nous disons au Seigneur merci pour une fidélité continue à l’Évangile, dans l’élan missionnaire de Paul et Barnabé, et à la lumière du pasteur humble et proche des pauvres qu’a été le pape François.

Nous rendons grâce aujourd’hui pour le ministère pastoral du pape François, dont la voix a su rappeler la tendresse de Dieu pour les pauvres, l’urgence d’une écologie intégrale, la paix entre les peuples, la réconciliation des cœurs, et la centralité du Christ doux et humble de cœur.

Mais quelle boussole pour cette nouvelle étape ? Une parole nous est donnée : In illo Uno unumEn Celui qui est Un, nous sommes un. Telle est la devise du pape Léon XIV. Dans un monde déchiré, elle nous appelle à revenir à l’unique source de l’unité véritable : le Christ, Pasteur et Frère, le Fils du Père qui fait de nous ses enfants.

1. Où Dieu nous pousse-t-il?

Le Livre des Actes des apôtres nous raconte un moment de rupture, mais aussi de relance. Paul et Barnabé annoncent l’Évangile dans une synagogue. Mais le rejet qu’ils y rencontrent ne devient pas un frein — il devient une porte ouverte, un élargissement guidé par l’Esprit : « Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien! nous nous tournons vers les nations païennes. » (Ac 13,46).

La Parole de Dieu ne cherche pas des résultats immédiats: elle cherche des cœurs disponibles à l’accueillir. Et elle ne cesse de frapper à la porte des cœurs fermés, avec patience, miséricorde, espérance.

Aujourd’hui encore, l’Église ne cesse d’être appelée à sortir d’elle-même, à aller au-delà des frontières : non par stratégie, mais par fidélité à l’Évangile. Le pape François, pendant son pontificat, a incarné cette dynamique : aller aux périphéries, faire place aux oubliés, risquer l’inconfort, oser même l’impossible pour rejoindre les autres. Cette Église en sortie est une Église synodale, fidèle à l’enseignement et aux témoignages du Maître. Nous disons Église synodale pour une fois de plus rappeler que cette mission est celle de tous les baptisés. Nous sommes tous invités à marcher ensemble, à porter ensemble la mission du vrai Pasteur. Nous sommes toutes et tous invités à sortir personnellement de nous-mêmes pour aller à la rencontre des autres.

Sous la conduite du pape Léon XIV, puissions-nous avancer dans cette audace spirituelle, éclairés par l’Esprit et unis dans le Christ, « en Celui qui est Un », afin que le salut parvienne jusqu’aux confins de la terre. C’est pour cela, aujourd’hui encore, que nous sommes chrétiens : pour être des feux qui en allument d’autres, des témoins qui réchauffent, qui éclairent, qui éveillent. Ne laissons pas cette mission dormir : portons-la ensemble, humblement, joyeusement, fidèlement.

2. Quelles larmes Dieu vient-il essuyer ?

Dans l’Apocalypse, une scène saisissante nous est donnée à contempler : « Une foule immense, de toutes nations, tribus, peuples et langues, debout devant l’Agneau » (Ap 7,9). Cette foule ne vient ni du confort ni de la stabilité. Elle vient de la grande épreuve. Elle n’a pas été épargnée par la souffrance, mais elle l’a traversée, portée par la foi, purifiée par l’amour : « Ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies dans le sang de l’Agneau » (Ap 7,14). « Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux » (Ap 7,17). C’est une promesse réelle. Une espérance qui ne fuit pas le monde, mais qui s’y enracine. Une espérance qui transfigure la grande épreuve — parce que l’Agneau, le Bon Pasteur marche avec son peuple.

Quelles sont les larmes de notre temps ? Quelles sont celles que nous désirons voir Dieu essuyer — pour nous, pour notre monde ? Des enfants réfugiés, sans patrie ni école, ballottés de frontière en frontière. Des mères veuves, seules et endeuillées, qui n’ont plus de mots pour nommer l’absence. Des sans-abris exposés aux conséquences climatiques, en hiver comme en été, oubliés dans nos rues. Des peuples déplacés, fuyant la guerre ou la misère, et rejetés aux portes des frontières, aux pieds des murs. Des jeunes en détresse intérieure, saturés d’images numériques et virtuelles, mais privés d’espérance, perdus dans l’isolement, la dépression ou l’indifférence. Des anciens oubliés, seuls dans des établissements ou des appartements silencieux, sans visite, sans écoute, parfois sans plus aucun désir de vivre.

Et aussi… Des familles éclatées, fragilisées par la précarité ou le manque de dialogue. Des travailleurs pauvres, invisibles et épuisés, peinant à vivre dignement malgré leurs efforts. Des femmes et des enfants victimes de violences, parfois au sein même de leur foyer. Des jeunes en quête d’identité, de sens, de sécurité affective, exposés à la radicalisation ou à la fuite de soi. Des migrants refoulés ou instrumentalisés, devenus objets de peur au lieu de visages de fraternité. Une nature blessée, exploitée, ignorée : forêts, mers, terres défigurées par la course au profit. Et tant de cœurs fatigués, saturés de confort matériel, mais assoiffés de relations vraies…

3. Quelle voix écoutons-nous aujourd’hui ?

Dans l’évangile, Jésus parle à ses disciples avec la douceur du vrai berger : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent » (Jn 10,27). « Personne ne les arrachera de ma main » (v.28).

Dans un monde saturé de voix — médias, réseaux sociaux, violences verbales, manipulations, polémiques, divisions — la voix du Christ reste reconnaissable : elle parle avec douceur, autorité et vérité. Elle n’humilie pas, mais relève. Elle n’enferme pas, mais libère. Elle n’uniformise pas, mais unit en profondeur, dans l’amour, la réconciliation, la solidarité.

Comment reconnaître cette voix ? Par la prière, par l’écoute des Écritures, par les fruits qu’elle produit : paix, patience, humilité, solidarité, justice (cf. Ga 5,22).

Comment la suivre ? En mettant nos pas dans ceux du Bon Pasteur, qui ne prend pas la vie, mais la donne dans l’amour du prochain, dans la solidarité, dans la tolérance, la réconciliation, dans l’ouverture.

Celui qui est Un, nous sommes un.

« Le Père et moi, nous sommes un » (Jn 10,30). Et en Lui, nous sommes appelés à l’unité, pour devenir dans le monde le signe vivant de l’amour du Père. Même si les tempêtes grondent, le Christ est vivant. Il connaît son peuple. Il parle. Il sauve. Et son Église — fragile parfois, mais habitée par l’Esprit — poursuit sa traversée, portée par la foi et le souffle du Ressuscité.

Le pape François nous a rappelé, inlassablement, que les pauvres et les blessés sont au centre de l’Évangile. L’Église qu’il a servie avec tendresse et courage est celle des béatitudes en actes : « Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés » (Mt 5,4), « Le Seigneur est proche du cœur brisé » (Ps 33,19).

Accueillons avec gratitude le pape Léon XIV, comme un signe de continuité et de renouveau. Que son ministère soit un souffle d’unité, de miséricorde et de paix, jusqu’aux extrémités de la terre (Ac13,47) — là où des peuples pleurent encore, là où l’Évangile est refusé ou ignoré, là où les ponts sont tombés et les murs élevés, là où les nations résistent encore à se réconcilier.

Aujourd’hui, Seigneur, nous bénissons l’Agneau qui est notre Pasteur : pour la fidélité et la tendresse du pape François, pour l’unité et l’espérance que porte le pape Léon XIV, pour ton Église debout, humble, servante, unie en Celui qui est Un. Amen.

Peterson Alcius sj

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Note par Raymonde – N’ayant pas réussi à obtenir l’homélie de ce week-end dans notre église, j’ai invité ceux qui le souhaitaient, et certains en particulier, à offrir leur homélie, leur commentaire, leur prière. Deux ont eu la possibilité de répondre positivement à ma demande si particulière. Peterson Alcius sj, qui intervient déjà sur le blog en tant qu’auteur est de ces deux.
Pour rappel : Peterson Alcius est jésuite, membre de la communauté Alberto Hurtado (centre-ville Basilique). C’est déjà sa deuxième année de présence dans notre paroisse. Peterson est en charge de la coordination du groupe de l’animation-chants.

QUELQUES PHOTOS DE PETERSON

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