« Tout être vivant verra le salut de Dieu » (Luc 3, 1-6)
Luc aime donner le contexte historique dans lequel il commence l’aventure de Jean le Baptiste : l’empereur est à Rome, il s’appelle Tibère et est déjà dans la 15e année de son règne… À Jérusalem, le gouverneur est Ponce Pilate, un politique n’est pas trop rassuré avec les autorités religieuses juives bien compliquées pour lui. En Galilée, au nord du pays, Hérode est un roitelet qui s’appuie sur sa famille pour régner sur toute la région. Il n’est pas sans questions religieuses mais un rien peut le faire changer de décision si son pouvoir politique ou personnel est en jeu. À Jérusalem encore, les autorités religieuses juives sont fortes mais doivent constamment prendre en compte le fait que le pays est occupé par les romains : Hanne et Caïphe doivent apprendre à négocier avec Rome pour avoir autorité sur le peuple des croyants. On retrouvera tous ces personnages au moment du procès de Jésus. Dans ce contexte un peu bloqué, Jean Baptiste apparaît comme celui qui fait bouger les lignes. Il reprend les images du retour d’exil qu’annonçait Jérémie, la semaine dernière et que son secrétaire Baruc confirme dans la première lecture : les temps changent, écoutez comment Dieu veut redonner de la vigueur à l’alliance qu’il a faite avec son peuple depuis Abraham et Moïse. Il veut nous faire revenir d’exil : alors pas de vêtement de deuil et de misère, mais des vêtements de fête, des couleurs, des couronnes, des lumières ; pas de récits d’exil, pas d’esclavage ou de travail forcé, mais un langage de paix, de justice, de miséricorde avec des noms nouveaux : Paix de la justice, piété envers Dieu, trône royal…
Dieu se souvient, Dieu en a terminé avec ses colères contre son peuple incohérent, Dieu désire vraiment sauver son peuple en envoyant son Fils bien aimé, Jésus. Dieu décide de le faire précéder par Jean le Baptiste pour rassembler les dispersés, les exilés, les blessés de la vie pour leur faire lever les yeux, les remettre en ordre de marche, les remobiliser pour retrouver le goût de l’aventure. Jean Baptiste a l’art de ne pas se laisser arrêter par les hautes montagnes et les collines infranchissables, il fait retrouver le goût de l’effort pour se frayer de nouveaux chemins dans les sentiers, de nouvelles routes dans les endroits tortueux. Jean le Baptiste est un prophète qui donne une vision claire de ce que Dieu veut faire avec les hommes : comme les ingénieurs de génie civil qui savent construire des ponts là où tout semble bloqué, Jean Baptiste appelle à construire de nouvelles voies de communication pas seulement des autoroutes ou des métros, mais des nouvelles voies pour les bus ou les trams, des pistes pour les vélos, des rues pour les piétons, des habitations plus humaines, des maisons plus intergénérationnelles, des terrains de sport, des lieux végétalisés avec des arbres qui sentent bons, qui portent des fruits, où l’on a envie de se retrouver entre amis, entre voisins… pour prendre le temps de vivre, de se parler et de se faire confiance ; où les enfants peuvent, travailler facilement en classe, jouer, inventer, monter des tournois de foot et des fêtes, faire de la musique, faire du théâtre, danser…
Au fond, Jean-Baptiste vient nous remettre en marche, nous faire admirer le verre à moitié plein et non nous lamenter sur le verre à moitié vide, à prononcer des mots qui font grandir et non des mots qui assassinent, à marcher ensemble sur des routes droites, par des chemins aplanis. Voilà un baptême de conversion, un baptême qui donne envie de redécouvrir et d’aimer notre terre, un baptême où chacun peut retrouver son chemin avec une lanterne qui éclaire avec douceur le visage de chacun, un baptême qui annonce la naissance d’un enfant… Chut ! Écoutez bien, il va bientôt naître, le Prince de la Paix.