Dimanche 29 septembre 2024 – 26e dimanche du Temps Ordinaire – Homélie du P. Claude Charvet sj

« Celui qui n’est pas contre nous est pour nous.
Si ta main est pour toi une occasion de chute, coupe-la »
(Jésus Christ selon saint Marc 9, 39 ; 9, 43)

« Ah ! Si le Seigneur pouvait faire de tout son peuple un peuple de prophètes ! Si le Seigneur pouvait mettre son esprit sur eux ». Ce désir profond de Moïse s’est déjà réalisé quand le Seigneur a mis son esprit sur 70 anciens pour qu’ils prophétisent et cela a marché un certain temps mais cela n’a pas duré. Cela marche avec les chrétiens quand ils reçoivent l’onction du baptême avec le saint Chrême, ou la confirmation : « Reçois l’Esprit Saint le don de Dieu !» « Tu fais partie de son peuple, tu es membre du Corps du Christ, tu participes à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi !» Voilà ce peuple de prophètes que le Seigneur s’est choisi. L’église peut compter sur chacun des baptisés pour faire monter vers le Seigneur les prières de son peuple de prêtres, pour donner une parole personnelle à ceux que l’Esprit habite, pour servir le bien commun comme les rois, comme les citoyens responsables. Voilà l’espérance qui habite l’Eglise quand elle baptise des enfants, des jeunes ou des adultes. Nous invoquons l’Esprit Saint pour qu’il anime chacun de ses enfants comme prêtre, prophète et roi. A ce niveau, l’évangile d’aujourd’hui nous propose de faire deux pas de plus.

  1. Jean ‘le fils du tonnerre’, un des Douze, se fait le porte-parole du groupe : ils ont empêché quelqu’un de chasser les démons au nom de Jésus « car il n’est pas de ceux qui nous suivent. » Pour Jean, ceux qui suivent Jésus font vraiment une communauté, ils font corps avec Jésus. Cela peut être vu de façon positive parce qu’ils croient au Christ…comme les évangéliques ou les protestants ou les orthodoxes…Ils sont baptisés dans le Christ. Mais la remarque de Jean devient un prétexte pour exclure quiconque ne fait pas partie de la communauté qui suit Jésus de près. Cette manière de réfléchir par exclusion peut susciter une vraie violence : empêcher l’autre d’agir. Jésus se situe dans une logique radicalement différente :si quelqu’un ne nous est pas opposé, il nous est favorable, même s’il ne fait pas partie de notre groupe. En fait, Jésus dessine une figure très perméable de la communauté : il y a ceux qui la constituent, mais aussi toute une frange de personnes qui sans lui appartenir de fait, font du bien, donnent un verre d’eau ou un peu de pain, disent du bien des autres, respectent leur prochain dans sa dignité d’homme et de femme. Brassens l’avait bien compris dans sa chanson de l’Auvergnat : « Ce n’était rien qu’un peu de pain, mais il m’avait chauffé le corps et dans mon âme il brûle encore, à la manière d’un grand festin. Toi l’hôtesse quand tu mourras, quand le croque-mort t’emportera, qu’il te conduise à travers ciel, au Père éternel ». Le fronton de nos basiliques montrent bien « Venez les bénis de mon Père » avec le pain, le verre d’eau, le vêtement, l’hospitalité, la visite au malade ou au prisonnier… Tous ceux-là sont pour nous, même sils ne confessent pas Jésus comme nous…
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  2. Ce ne sont pas ceux du dehors qui menacent la cohésion de la communauté des chrétiens, le vrai danger vient du dedans nous dit Jésus : « Chacun de ses membres peut faire chuter un petit qui croit en moi » « Si ta main…, si ton pied…si ton œil te scandalise… coupe-les… »Si par tes actions ou plus simplement par ton regard, tu fais du tort à un petit, tu te détruis toi-même, tu te corromps, tu te consumes dans un feu qui ne s’éteint pas. Mieux vaut alors « t’amputer toi-même, devenir manchot, estropié ou mal-voyant ». Les scandales dans les familles, dans la société, dans l’église avec les personnes les plus charismatiques sont des avertissements puissants pour purifier, retrouver en nous le sel. « Chacun sera salé au feu. C’est une bonne chose que le sel. Mais si le sel perd son goût, avec quoi le lui rendrez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes et soyez en paix les uns avec les autres. » C’est ainsi que se termine le chapitre de Marc. On peut vivre avec des manques, des insatisfactions, des frustrations sans cesser d’être soi, en suivant le Christ. On ne peut rester « vivant » en détruisant un petit. A nous de nous laisser purifier pour devenir le sel qui donne saveur aux relations communautaires, qui permette de construire nos vies communautaires et familiales. Avoir du sel en soi et veiller pour qu’il ne s’affadisse pas ! Avoir l’Esprit en soi et être vivant. Alors les repas et les apéros pris ensemble auront du goût avec ce sel de l’amitié, « pour que les membres de la communauté soient en paix les uns avec les autres ».