Dimanche 7 juillet 2024 – 14e dimanche du Temps Ordinaire–Homélie du P. Claude Charvet sj

« Un prophète n’est méprisé que dans son pays »
(Jésus Christ selon saint Marc 6, 1-6)

Pendant l’été, ou en période des fêtes, il nous arrive de revenir au pays, au lieu de nos origines, dans notre enracinement relationnel fort. C’est un moment très attendu et consolant de retrouver les siens, mais ce peut être aussi un moment redoutable et redouté par des a priori, des blessures, des fermetures qui peuvent se manifester. Comment Jésus vit ses retrouvailles chez lui, devant ses disciples qui deviennent témoins de ses racines ?

  1. Jésus enseigne à la synagogue le jour du sabbat. Il était connu comme charpentier et avait sans doute exercé ce métier avec bonheur, à la suite de son père adoptif Joseph : entrant chez les gens, écoutant ce qu’ils veulent améliorer pour mieux vivre dans leur maison, exécutant le mieux possible ce qu’ils demandent, aimant servir ses compatriotes. Il était connu surtout pour la qualité de ses liens familiaux : fils de Marie, frère de Jacques, de José, de Jude, de Simon, il a des sœurs aussi… Dans son village, chacun peut trouver des liens de parenté proche parce qu’on est du même village : on est tous ‘parents’, cousin… et on connait toutes les histoires de famille, le tissu relationnel est dense, on a la même culture et la même éducation. Or l’enseignement de Jésus à la synagogue frappe d’étonnement les auditeurs venus nombreux pour l’écouter… Ils se demandent « d’où vient cette sagesse qui lui a été donnée et les grands miracles qui se réalisent par ses mains ? » Par cette question, ils suggèrent que les paroles et les actions de Jésus viennent d’en haut, de Dieu, mais ils ne peuvent l’admettre car ils sont de la même culture, de la même éducation, du même sang. Ils sont profondément choqués à son sujet ; au point de se fermer complètement : ils ne veulent connaître de Jésus que ce qu’ils savent déjà par leurs liens de sang ; ils n’entrent pas dans la liberté de sa parole, dans les origines de sa sagesse, dans la puissance que Dieu peut lui donner pour faire des miracles…
  2. « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison » . En prononçant ces paroles Jésus veut dire sa surprise à ses concitoyens, il s’étonne de leur manque de foi, il dévoile avec un grande tristesse leur fermeture, leur clôture au mystère que ses paroles et ses gestes révèlent. Il est déçu de leur rigidité de cœur alors qu’il avait été bouleversé par la foi de la femme qui avait des pertes de sang et qui avait touché la frange de son manteau pour être sauvée. Il avait poussé Jaïre, le chef de la synagogue de Capharnaüm, à croire malgré l’annonce de la mort de sa fille, il avait pris la main de sa fille en disant « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ». Jésus accomplit des miracles quand les suppliants croient et demandent. À Nazareth, dans sa ville, ses proches sont fermés, ils perçoivent bien que Jésus est habité par un don d’en haut, mais ils le réduisent à du déjà connu se refusant à l’inattendu qui advient par lui. Jésus reçoit une étiquette, il est mis dans une case, est vu comme un danger à éliminer. On dirait que les liens de sang et de proximité les empêchent de croire, qu’ils ont la nuque trop raide pour lever les yeux vers le ciel et reconnaitre le Père qui donne la Parole libre, la guérison des malades, la vie aux croyants. Au fond, il est toujours, difficile d’accueillir la voix du prophète que le baptême nous donne : prêtre, prophète et roi ; l’Esprit Saint met en Jésus et en nous un feu qui ne demande qu’à tout brûler dans l’amour.

Dans le contexte politico-religieux où nous sommes aujourd’hui, avec la critique religieuse omniprésente, il est tout à fait légitime de nous poser des questions sur Jésus, sur la vérité de ce que dit de lui l’Évangile par rapport aux autres religions, d’entendre aussi l’indifférence religieuse et les angoisses quotidiennes de nos proches. Mais nous sommes invités aussi à rester ouverts, en dénonçant le caractère irrationnel d’un enfermement a priori, au refus de l’inattendu qui surprend, dérange ou déroute, en osant faire un pas de plus dans la confiance en nous-mêmes qui sommes aimés de Dieu, en Jésus de Nazareth, né de Marie et en Dieu qui a osé dire de Jésus : « Tu es mon Fils bien-aimé. En toi je trouve ma joie ». Amen.